Note : Le livre de Nicolas Beau et Olivier Toscer, «l'Incroyable Histoire du compte japonais de Jacques Chirac» qui est sorti en librairie le 20 mars, dévoile que parmi les papiers du général Philippe Rondot consacrés à cette affaire on a trouvé un article de Tahiti-Pacifique publié voici 6 ans. C'est le premier article de presse à révéler une lien entre ce compte supposé et Tahiti. Voici l'intégral de la "Condidence" que nous avions publié en juillet 2002 :

 

Tahiti-Pacifique magazine, n° 135, juillet 2002. Confidences, p.9

Tahiti à l'origine d'un scandale d'Etat ?

Le 22 juin, le quotidien parisien Le Monde dévoilait que l'Elysée accuse les services d'espionnage et de contre-espionnage français d'avoir recherché, sous le gouvernement de Lionel Jospin, « des éléments au Liban et au Japon destinés à compromettre Jacques Chirac », raison pour laquelle le directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE) Jean-Claude Cousseran et son homologue de la DST Jean-Jacques Pascal « doivent être remplacés au cours des semaines à venir » pour avoir commandité - ou au moins toléré - des investigations visant la personne de Jacques Chirac. « C'est scandaleux, vous utilisez les services de l'Etat pour monter des dossiers contre moi », aurait accusé le chef de l'Etat. Jospin aurait alors contesté ces « manoeuvres » et le gouvernement avait assuré l'Elysée de sa bonne foi.

Or, des informations recueillies par Tahiti-Pacifique en 2000 et 2001 auprès du milieu judiciaire de Tahiti font apparaître que c'est l'enquête sur le patrimoine du président-sénateur Gaston Flosse qui aurait été à l'origine de ces enquêtes au Japon. Une enquête qui avait été lancée à la demande du parquet de Paris en 1999 et qui mena les enquêteurs de la brigade financière à s'intéresser à un prêt de 350 millions Fcfp (3M euros) contracté le 6 mars 1995 par le Société hôtelière du Tahara'a (président : Réginald Flosse) auprès de la banque Westpac de Papeete. Ce prêt était accordé car « destiné à financer la distribution des acomptes sur dividendes ». Or, comme nous l'a expliqué un magistrat alors en poste à Papeete, « les enquêteurs ont découvert qu'une grande partie de cet argent a ensuite été versé sur le compte d'un banquier japonais réputé être très proche de Jacques Chirac. Et cela deux mois avant les élections présidentielles ! Nous touchions donc des "hautes sphères" dangereuses. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvions, hélas, que classer l'affaire ! ». Plusieurs mois plus tard, une autre source confirma à Tahiti-Pacifique cette même information.

Le Monde confirme que la DGSE avait alors bien entrepris des vérifications « sur un financier japonais à la réputation incertaine, Shoichi Osada, qui se prévalait volontiers de relations personnelles avec le président français » et que le "Groupe des affaires protégées" de la DGSE avait rédigé un rapport en 1999 « sur le caractère sulfureux » de M. Osada, puis un second en 2000 au sujet de la faillite de la banque de M. Shoichi Osada, un personnage haut en couleur dont les folies ont fait les délices de la presse à scandale japonaise, avant qu'il ne soit arrêté en mai 2000 et poursuivi par la justice pour la faillite frauduleuse de sa banque, la Tokyo Sowa. Les falsifications se sont chiffrées à 18,9 milliards Fcfp (180M°Ë), la banque laissant une "ardoise" de 112 milliards Fcfp (environ 1 milliard d'euros). M. Osada, aujourd'hui âgé de 80 ans, régnait en despote et utilisait sa banque comme son jouet personnel : il se faisait prêter à discrétion des fonds destinés à des entreprises familiales, réglait ses frasques et ses tableaux de maîtres - il possédait une centaine de toiles impressionnistes - sur notes de frais. Il recevait en outre royalement, transportant ses hôtes en hélicoptère, offrant des séjours dans le luxueux hôtel qu'il possédait sur l'île d'Awashima, ou des croisières sur son yacht où il invitait des hauts fonctionnaires et des hommes politiques. Considéré pendant près de deux décennies comme un "grand ami de la France" par l'ambassade à Tokyo, M. Osada accueillait aussi avec largesse les diplomates qui s'y sont succédé. Consul honoraire de France (mais aussi du Costa Rica) à Kofu, nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1994, il se vantait de relations « vieilles d'un demi-siècle » avec Jacques Chirac dont il parlait comme d'un proche. Au mois d'octobre 1999, l'hebdomadaire à sensation japonais Shukan Gendai lui consacra un article dont le titre s'étalait en première page : « La banque scandaleuse qui offrit la compagnie d'une starlette au président français », faisant référence à la présence d'une jeune actrice pour accueillir, en 1994, M. Chirac - alors maire de Paris - dans l'hôtel d'Awashima et soulignant les relations amicales entre Chirac et le sulfureux banquier. Depuis, à Paris, d'autres estiment que l'évocation de cette enquête ne serait en réalité qu'une manipulation et lutte interne au sein de l'Elysée destinée à faire tomber Jean-Claude Cousseran, l'actuel directeur de la DGSE :

« Ce que nous ne savons pas, c'est le nom de celui qui a convaincu Chirac de ces inepties. Le propre du courtisan, c'est d'affirmer au maître qu'il court un grand danger dont il est le seul à pouvoir le protéger » écrivait ainsi Le Point fin juin.

A.d.P.