Cinquième Anniversaire de Tahiti-pacifique

A lors que les préparatifs des élections territoriales de 91 battaient leur plein, je me souviens de cette fin de matinée, lorsque soudain, je vis arriver à la rédaction des Nouvelles l'inénarrable Alex du Prel alias AdP. Après un "salut!" tonitruant à la cantonade dans la rédaction, il entra dans mon bureau, la mèche blonde collée à son front perlant de sueur et un sourire d'enfant barrant son visage. Dans ses yeux brillait cette lueur qu'a un père devant son nouveau né qui vient de pousser son premier cri. Alex poussa le sien: "Ça y est! c'est tout chaud et c'est du croustillant !!".

Plantant son imposante carcasse devant mon bureau, il sortit de son sac usé d'être trimbalé, un journal de format magazine. Sur la couverture de papier glacé: une belle photo. En haut à gauche dans un rectangle rouge de grosses lettres blanches: Tahiti Pacifique" et en plus petit ce sous titre péremptoire: "mensuel d'information et d'économie". Planté là devant moi, dans son éternelle chemise bleue débordant sur son jean délavé, Le tout jeune directeur de publication repartit à la rédaction offrir les premiers exemplaires de son mensuel aux autres confrères.

Cet ancien des Nouvelles avait décidé de voler de ses propres ailes. Pensif derrière mon bureau, je m'attardais sur les pages de ce magazine api. Intéressant, une mise en page claire mais perfectible (il faut bien pardonner les erreurs de jeunesse).

Alex, d'origine américaine, m'avait bien précisé qu'il avait tout fait tout seul, les papiers (d'où l'orthographe souvent approximative et les libertés prises avec la syntaxe), les photos, la mise en page. Tout, sauf bien entendu l'impression.

Sans complexes, il occupait un créneau déjà maintes fois exploré mais bien vite abandonné par des prédécesseurs autrement outillés et financés. Folie que celle de ce touche à tout ayant décidé un beau jour de fonder son propre magazine et de lui donner d'entrée un look de " grand ". L'aventure était osée.

Comme promis je présentais son magazine dans le quotidien. Le lendemain, à la terrasse d'un café, Alex me remercia chaleureusement pour mon papier " sweet and sour ", suivant son expression. II était heureux car à peine mis en vente, son mensuel parfait comme des petits pains. Puis le rituel devint régulier. Tous les mois Alex débarquait à la rédaction avec son petit dernier.

" TahitiPacifique " (TPM pour les intimes), trouva naturellement sa place dans les kiosques à journaux aux côtés des autres magazines d'informations généralistes du Pacifique mais de langue anglaise. "TPM" seul mensuel d'information et d'économie de langue française du PacifiqueSud avait fait son trou

Mais comment diable avait fait Alex pour arriver à gagner ce pari insensé ? La solitude est parfois une excellente chose et une aide précieuse. Seul à Moorea, dans son île de rêve, il avait transformé une minuscule chambre d'hôtel en bureau, promu le coin des W.C en labo photo, installé un Macintosh, un téléphone, un fax et voilà ['aspect matériel réglé.

Quant au reste, il fut constitué de beaucoup d'huile de coude, de kilomètres à parcourir à pied dans Papeete, à démarcher la pub, à assister aux conférences de presse, à faire la critique gastronomique, à monter un dossier "béton".

Dans cette débauche d'énergie, quelques arrêts désaltérants à certains cafés, histoire de glaner des scoops et de respirer un peu, Alex n'ayant pas perdu de vue l'importance des " verres de contact " dans ce dur métier qu'est la récolte de l'information, ainsi qu'une bonne bouffe réparatrice dans les restos où tout ce que Papeete compte de personnalités se retrouve.

Bref, Alex était le coursier, le photographe, le monteur, le standardiste, le commercial, le comptable, le gestionnaire et le directeur de publication, le tout dans un emballage d'une vitalité extrême et: d'un dynamisme sans bornes.

Ces efforts furent récompensés et vite. "TPM" devint rapidement une référence et chaque numéro un événement. Si Alex était partout à la fois, dès le premier numéro il a eu tout de même quelques fidèles copains pour l'épauler; Bernard Poirine l'économiste, Beslu et son fiu, des amis dessinateurs et Werner, le fidèle photographe.

Cinq ans après, ce mensuel sans sombrer comme certains collègues dans la facilité, le sensationnel ou la complaisance, est devenu incontournable pour nombre de lecteurs qui cherchent à être bien et complètement informés.

Au fil des ans, le magazine s'est enrichi de quelques correspondants, ce qui a permis à Alex d'investir (modestement) dans un petit bureau en pleine brousse à Moorea.

Avec des abonnements en progression (tous ceux qui quittent la Polynésie et désirent garder le contact) et des ventes constantes, TPM s'est installé durablement. Alex n'a pas courbé l'échine devant les difficultés de tous ordres rencontrées.

En cinq ans, il a réussi à garder à son journal son indépendance, sa liberté, et... le même prix, ce qui est bien trop rare actuellement dans la profession et plus encore à Tahiti.

Qu'il garde intact ce dynamisme et continue à nous envoyer chaque mois du croustillant comme on l'aime! Bonne chance et rendezvous pour le dixième anniversaire de son " canard " qui n'est pas encore à l'orange... comme certains autres

Denis HERMANN Ancien rédacteur en chef des " Nouvelles de Tahiti " Le Vieil Baugè, France



Les numéros épuisés: Salaire des fonctionnaires, bien sûr (republié deux fois) et les raisons des émeutes.

Le plus grand bide: le magazine sortit le matin des émeutes et nous dûmes traverser les barrages de Faa'a pour poster les abonnements. Seulement 1630 de vendus, en incluant les abonnements. Fini, les sportifs à la "Une".

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