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Le rideau d'hibiscus
déchiré
Les terribles
inondations de la mi-décembre à Tahiti nous ont fait
redécouvrir un aspect que nous avions tendance à oublier
: les laissés pour
compte de la société "moderne" que nous imposent
nos leaders. On ne les
voyait plus beaucoup, ces Tahitiens marginalisés par la société
de
consommation, car ils étaient allés se cacher dans le fond
des vallées,
loin, loin des belles villas, loin des belles limousines climatisées
aux
vitres teintées, loin de l'aéroport avec ses jets pour aller
faire du
shopping à Los Angeles ou Honolulu. Tout d'un coup, déluge
oblige, le
"rideau d'hibiscus" s'est déchiré et c'est tout
un univers de misère qui
nous interpelle.
Tristes baraques en pinex délavé, pauvres bicoques en tôles
rouillées et
pourtant si joliment décorées avec amour et quelques pare'u
par des mamans
tentant de préserver leur dignité de "pauvre"
face à la honteuse opulence
de toute une caste enrichie par 35 années de transferts de métropole.
Comme
l'écrivait l'anthropologue Robert Levy dans la partie "débats"
du livre
"Tahiti côté montagne", « ils sont pauvres
d'une façon particulière du fait
que leur vie se déroule parmi d'autres groupes dont les conditions
matérielles sont tellement supérieures aux leurs »,
une pauvreté, voire
misère « digne et fleurie » à Tahiti selon le
père Hoddée.
Cela a été écrit voici 16 ans déjà,
et rien n'a changé, bien au contraire
et ce qui est terrible, c'est de savoir que le système actuel aggrave
encore et de plus en plus la cassure dans la société, efface
tout ce qui si
magnifique dans la manière polynésienne de vivre. C'est
certainement ce qui
motiva à l'époque le Dr Patrick Howell de citer Paul Valery
: « Je n'hésite
pas à le déclarer, le diplôme est l'ennemi mortel
de la culture », car à
Tahiti, le diplôme imposé par une société importée
d'ailleurs et maintenu
surtout pour préserver les privilèges, a essentiellement
servi à exclure,
marginaliser, prolétariser le Tahitien resté naturel ; nous
ne le
répéterons jamais assez. Turo a Raapoto confirme en expliquant
que « la
non-réussite dans un système inadapté au Polynésien
ne donne pas aux autres
le droit de le traiter comme un moins que rien. Le Polynésien est
victime
d'une forme de société, mais sa dignité n'en est
pas pour autant altérée. »
Que va-t-il se passer maintenant pour ces gens qui ont perdu le peu qui
était tout pour eux ? Ils vont être pris en charge par le
système
clientéliste, si omniprésent et si bien rôdé
sous nos latitudes, duquel ils
s'étaient échappés loin pour préserver un
peu de leur mode de vie
communautaire. Ils vont donc devenir des assistés, on leur expliquera
que
c'est grâce au "bon parti", ils auront une maison MTR
("mission
territoriale de la réélection"). Mais combien de temps
encore garderont-ils
leur dignité ?
Autre sujet : en cette année
1999, les taux de notre TVA viennent de
doubler. Le « Miracle de l'ITSTAT », notre institut de statistiques
qui n'a
décelé que 0,7% d'inflation en 1998 se poursuivra-t-il ?
Un miracle
tellement fabuleux au vu des prix (même le riz et la farine ont
augmenté de
3%) que certains parlent déjà d'installer une sorte de grotte
de Lourdes
dans ses bureaux. Questionné à ce sujet, le président
Flosse se dit «
confiant ». Il sera intéressant de voir quels indices auront
une chance
d'être "manipulés" cette année.
Enfin, nous désirons
bien sûr présenter nos v¦ux de bonheur et de
prospérité à tous nos lecteurs et abonnés,
à Tahiti comme ailleurs,
lecteurs qui deviennent de plus en plus nombreux puisque qu'en deux ans,
nous avons augmenté notre tirage de 3000 à 3800 exemplaires,
petit à petit
bien sûr, car je suis plutôt connu pour ma "gestion rigoureuse"
que
certains osent qualifier d' "avarice".
Merci surtout à nos
fidèles annonceurs sans lesquels nous ne pourrions pas
survivre, merci encore à tout ce véritable "réseau
de copains" de par le
territoire et à travers le monde - en réalité la
colonne vertébrale du
journal - tous des hommes et femmes formidables qui continuent à
s'intéresser à nos îles et aux Polynésiens
qui les peuplent, à notre ami
qui s'occupe du site Internet, à vous tous qui aimez l'aventure
qu'est la
publication de ce magazine.
Comme Tahiti vit actuellement
une grande mutation de société, à une vitesse
incroyable, l'année 1999 devrait encore être riche en sujets
et événements,
de quoi remplir nos pages avec intelligence.
Alors BONNE et HEUREUSE ANNÉE
1999 à tous et merci, merci, encore une fois
pour votre confiance et fidélité.
Alex W. duPREL
Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
B.P. 368, MOOREA, French Polynesia
Tel : (+689) 56 28 94
Fax : (+689) 56 30 07
<tahitipm@mail.pf>
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