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Chères lectrices, Chers lecteurs |
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Une tradition de Tahiti
Ce moisci, nous vous avons bichonné un numéro
très varié, comme toujours avec plein de sujets
intéressants, nous l'espérons. Le dossier sur les
problèmes de l'alimentation des Polynésiens du docteur
Boissin, que nous saluons ici, devrait vous intéresser
car c'est aussi une belle leçon d'histoire écrite
avec simplicité où l'on découvre l'amour
que cet homme porte à la Polynésie. Il déplaira
peutêtre à quelque uns de ces individus adeptes
du modernisme à tout prix, qui s'insurgent contre toute
écriture qui perçoit du beau dans le Tahiti d'antan.
Oser admirer l'intelligence et l'harmonie dans la société
des Polynésiens d'antan vous classe pour ceuxci de
suite dans la catégorie des " rétrogrades ",
voire " indépendantistes ". C'est là
une nouvelle sorte de paranoïa à la mode politique
qui est de plus en plus responsable de l'ignorance profonde de
notre jeunesse pour son histoire.
Pourtant, se lamenter sur le passé est une des " grandes
traditions de notre Fenua ", comme le prouvent ces lignes
que nous avions déjà publiées voici six ans
(qui s'en souvient ?) et qui devraient égayer votre journée:
L'autre jour, une connaissance me demanda depuis combien de temps
je résidais en Polynésie.
" 23 ans ", répondis-je, à
quoi il répliqua: " Mon pauvre, vous êtes
arrivé trop tard. Ah !, si vous aviez connu le Tahiti de
1960 ! C'était superbe ! "
Dans mes pensées, je lui donnais raison mais tant pis,
que faire ? Par hasard, quelques jours plus tard, fouillant dans
mes archives, je suis tombé sur un billet de feu Ralph
Varady, journaliste, éditeur de " O'Tahiti Magazine "
et écrivain de Polynésie jusqu'à sa mort
en 1976. un article de quelques lignes publiées dans un
petit guide de 1968.
M. Varady explique que lors de son arrivée à Tahiti
en 1955, on lui déclara de suite: " Mon pauvre,
vous êtes arrivé trop tard. Vous auriez dû
venir juste après la guerre ! Mon Dieu, que Tahiti était
réel alors. Maintenant, avec deux hydravions par mois,
c'est fichu ! "
Par la suite il rencontra un Européen arrivé en
1937 qui lui confia:
" Lorsque j'ai débarqué, j'étais
déçu au point de repartir, car les gens ne faisaient
que me répéter: " Cher! ami... vous êtes
arrivé trop tard... Tahiti est fini, c'est foutu. C'est
dans les années vingt qu'il fallait venir... Tout a tellement
changé maintenant... "
Quatre ans plus tard, Varady rencontra un vieux géomètre
suisse, résident à Mataiea depuis 1917, le plus
vieil expatrié de Tahiti à l'époque. Le vieillard
lui déclara:
" Lorsque je suis arrivé, les vieux m'ont dit
que j'avais raté le coche. J'aurais dû arriver au
début du siècle. Car Tahiti était si beau
alors ! "
Pour Ralph Varady, la morale de l'histoire est que finalement,
nous arrivons tous trop tard... à moins qu'il ne soit jamais
trop tard...
Qui sait, peut-être que lorsque le capitaine Cook a posé
pied à terre à Tahiti en 1769, il fut accueilli
par le chef Hapai, en grande tenue, avec ces mots précieux:
" Oh, quelle immense pitié, cher tomana Tute
Tane, mais vous êtes arrivé bien trop tard. [lamentations
des vahine]... Mon pauvre, tout a changé, tout est foutu.
"Aue tatoue". si seulement vous aviez pu arriver
en même temps que le sieur de Poutaveri (Bougainville) L'an
passé, alors là, oui. vous auriez connu le vrai
Tahiti ! "
Bonne lecture à tous. Alex. W. du PREL
Directeur de la Publication. |
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Copyright Tahiti Pacifique magazine 1997