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La boucle est bouclée
Parfois nous nous sentons pousser des ailes de devin,
de Madame Soleil,
l'extralucide tant il arrive (hélas) ce que nous avons craint.
Ainsi, voici
plus de trois ans, nous écrivions plusieurs articles dans lesquels
nous
nous inquiétions des effets pervers que l'application (tardive)
de la Loi
Pons (qui permet au riche contribuable métropolitain de déduire
de ses
impôts 50% du coût de la construction) pour la construction
massive de
nouveaux hôtels pourrait avoir sur l'industrie hôtelière
de nos îles régie,
alors par les lois du marché, et notamment vis-à-vis des
hôtels existants
construits avec des fonds propres qui se trouveraient alors confrontés
à
une concurrence déloyale face à des établissements
subventionnés. « Mais
non, mais non » nous répondait-on, « il faut de nouveaux
hôtels pour
relancer le tourisme » bien que le taux moyen de remplissage clopinât
depuis des années autour de 60% (chiffres ITSTAT). « Il faut
comprendre que
sans la Loi Pons personne ne construira un hôtel ici » déclarait-on,
ce qui
est vrai, mais en oubliant de préciser que c'était parce
qu'il n'y avait
pas de véritable demande du marché pour de nouvelles chambres.
A peine les premiers hôtels mis en chantier grâce à
cette Loi Pons, voici
que le gouvernement local créa une version locale de cette Loi
Pons, la Loi
Flosse (qui permet au riche contribuable tahitien de déduire de
ses impôts
40% du coût de la construction) ce qui, en théorie, offre
à celui qui
bénéficie des deux systèmes de défiscaliser
jusqu'à 90% des coûts d'un
projet. Le ministère des Finances de Paris se rebiffa devant tant
de
"subventions", mais le président Flosse leur expliqua
alors que sans Loi
Pons et Loi Flosse, « personne ne construira des hôtels dans
nos îles ». Et
il réussit, fin janvier, à persuader Bercy que la Loi Pons
« n'est pas une
subvention » (mais alors, c'est quoi ?), du moins c'est ce qu'il
a déclaré
après son retour à Tahiti.
Entre-temps, les premiers hôtels financés Loi Pons-Loi Flosse
ouvraient
avec fanfare et tamure, mais restaient désespérément
vides ce qui n'est pas
trop grave puisque la fameuse "tunnelisation" de la Loi Pons
permet aussi
de défiscaliser les pertes éventuelles. Mais un hôtel
de luxe vide, ça fait
"chiffon", alors pour remplir leurs chambres, ceux-ci commencèrent
à
"brader", d'abord discrètement, ensuite officiellement
afin de "chiper" les
clients habituels des hôtels existants lesquels, bien sûr,
se plaignirent
d'une telle concurrence déloyale, pourtant prévisible. Quelle
fut alors la
réaction du président-ministre du Tourisme début
janvier ? Que la Loi
Flosse sera dorénavant aussi accordée aux anciens hôtels
pour les rénover,
agrandir ou les réorganiser, tout comme des aides financières
directes
seront octroyées aux petits hôtels familiaux, comme on vient
de le voir à
Huahine.
Quel bilan peut-on ainsi faire des cinq dernières années
de la grande
stratégie de "développement touristique" de la
Polynésie française ?
Dorénavant toute l'industrie hôtelière de nos îles,
jadis pourtant capable
de tenir sa place dans la réalité du marché de la
concurrence mondiale, est
devenue d'une manière ou d'une autre dépendante de subventions
nationales
ou territoriales toujours croissantes. En d'autres termes, avoir faussé
le
jeu économique a rendu un autre secteur de l'économie de
Tahiti dépendant
des subsides publiques. Le plus incompréhensible dans cette saga
est que
tout ceci n'est que la répétition d'erreurs (avec quelques
variantes)
commises auparavant dans les DOM, aux Antilles notamment.
Mais un autre effet pervers s'est mis en place : grâce à
la Loi Flosse,
pratiquement toutes les grosses entreprises de Tahiti qui font des
bénéfices défiscalisent leurs impôts, ce qu'ils
n'ont pas tort de faire
puisqu'on le leur offre sur un plateau doré. Mais ceci réduit
environ de
40% leur contribution au budget local, une recette qui n'est pas compensée
par les nouvelles entreprises créées puisque, grâce
au Code des
investissements, l'autre généreuse subvention, elles sont
exonérées
d'impôts pendant au moins huit ans.
Mais alors qui paie le manque à gagner pour un budget territorial
toujours
en croissance ? Les petits bien sûr, ceux qui n'ont pas de profits
à
défiscaliser. Morale de cette saga tropicale : les riches deviennent
plus
riches, les pauvres... etc.
Bonne lecture à tous
et Kung Hi Fat Choy à nos amis originaires de l'Empire
céleste.
Alex W. duPREL
Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
B.P. 368, MOOREA, French Polynesia
Tel : (+689) 56 28 94
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