"Ce qui vient au monde
pour ne rien troubler
ne mérite ni égards
ni patience."

René CHAR, 1907-1988


Chères lectrices,
Chers lecteurs




Sept ans déjà...

Eh oui, ce magazine est le numéro 84, c'est-à-dire que nous complétons notre septième année de parution. Enfin, Tahiti-Pacifique magazine a atteint l'âge de raison.

Sept années d'une aventure passionnante et mouvementée, ça c'est certain, parfois semée d'embûches, de jalousies et d'autres petites mesquineries, mais aussi et surtout de rencontres avec des personnes fascinantes et souvent formidables.

Depuis sa création, Tahiti-Pacifique est surtout devenu un vaste réseau de "copains", en Polynésie française comme de par le monde, des personnes qui aiment nos îles et essaient de préserver, tant bien que mal ce dernier bastion d'un art de vivre plus intelligent. Nous les remercions tous de tout c¦ur ici. Obstinés dans notre combat de Don Quichote contre le pouvoir du conformisme planétaire et du pouvoir de l'argent qui marginalisent l'authentique et l'original, nous devons certainement c'est avec joie que nous fêtons cet anniversaire car le nombre de nos lecteurs, les seuls juges qui comptent, augmentent régulièrement et cela fera deux fois en quatre mois que nous augmentons notre tirage, notre numéro du mois de mars était épuisé dans pratiquement toutes les librairies de Papeete dès le 25 du mois.


Que nous soyons toujours présents tient aussi du miracle. En effet, le marché est microscopique. Ecrire, monter, et publier à Tahiti, un pays de tradition orale, un journal qui se vendra à 3200 exemplaires demande exactement le même travail qu'un magazine publié en France qui, lui se vendra à 500 000 exemplaires ou plus, surtout que pratiquement tous les coûts, ordinateurs, électricité, photos, papier, etc. sont, taxes et TVA obligent, dans nos îles au moins le double de ceux de la métropole. Editer Tahiti-Pacifique est donc un sacerdoce constant et en fin de compte, notre plus grande fierté est d'avoir réussi à vivre (modestement) de l'écriture dans un pays où pratiquement personne ne lit ! Encore et surtout faut-il remercier ici nos nombreux annonceurs, sans lesquels nous aurions disparu depuis longtemps. Encourageant aussi est le fait que de plus en plus de jeunes Polynésiens, ceux de la nouvelle génération éduquée, prennent dorénavant l'habitude de nous lire comme en témoignent courriers et coups de téléphone.

Mais il faut bien admettre que ces sept dernières années, l'actualité a été très active et variée en Polynésie française : suspension puis reprise et enfin arrêt des essais nucléaires, diverses émeutes syndicales et politiques, un pouvoir politique qui s'est retranché dans une "citadelle", les grandes mutations de la société en cours, l'immobilisme dans les inégalités sociales et le maintien des corporatismes, les scandales et magouilles diverses, l'économie qui devient de plus en plus assistée et irréaliste, etc., un fouillis d'événements pour bien remplir nos pages. Et tout cela dans une toute petite communauté isolée où tout le monde se connaît, où les susceptibilités sont fortes, où la (fausse) rumeur est si fertile. En réalité, nos petites îles forment une société où "l'effet de loupe" est puissant et où les comportements, exemplaires comme mégalomanes, ne peuvent rester cachés longtemps. Une puissante dose d'humour mais surtout de tolérance, cette grande qualité polynésienne, sont donc nécessaires au bien-être mental de la vie en milieu îlien.

Car il en faut. On nous contait dernièrement l'incident qui eut lieu lors de la conférence de presse que donna M. Le Pen à Paris : on en expulsa "manu militari" l'équipe du "Vrai journal" de Karl Zéro et, en signe de solidarité, pratiquement tous les autres journalistes quittèrent les lieux. A Tahiti, les choses sont hélas bien différentes. Lorsqu'on nous expulsa de la conférence de presse de Président (pourtant, Tahiti-Pacifique n'a nullement l'insolence de M. Zéro), la plupart des journalistes baissèrent les yeux et ne mentionnèrent jamais l'incident, mais le "mercenaire" d'une de ces radios politiques pro-gouvernementales qui prêchent la "bonne parole" nous marmonna : « C'est tant mieux, on aura plus de place ! » (sic !). Malgré un sens prononcé de l'humour, cette phrase restera longtemps "gravée", comme on dit à Tahiti. Ce qui explique pourquoi, face au système d'un président omnipotent, Tahiti est une des rares contrées de la planète à ne plus avoir son Club de la Presse.


Pour ce numéro anniversaire, Etienne Teparii vous a préparé un superbe dossier sur les Maoris de Hawaii et même si vous êtes familiers de ces îles, il vous passionnera. Il ne faudra pas non plus rater la nouvelle du mois, le placard doré, hilarant d'authenticité. Ces deux écrits sont l'oeuvre d'authentiques Polynésiens et nous sommes fiers de les publier.

Bonne lecture à tous et merci encore pour votre fidélité.

Alex. W. du PREL

Directeur de la Publication.

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Copyright Tahiti Pacifique magazine 1998