"Ce qui vient au monde
pour ne rien troubler
ne mérite ni égards
ni patience."

René CHAR, 1907-1988

Chères lectrices,
Chers lecteurs




Une dissolution... et tout a changé !

Dimanche matin, le 1er juin, décalage horaire oblige, tout a basculé à Tahiti : nous venions d'apprendre la cuisante défaite de la droite lors du deuxième tour des législatives en France. Pourquoi être si dramatique ? Parce que toute la politique du gouvernement Flosse a été basée et sur l'amitié personnelle que lui porte le Président de la République, Jacques Chirac, et sur la capacité de celui-ci à imposer au gouvernement national des décisions favorables à la Polynésie française. Ceci a été démontré à plusieurs reprises, comme lors de refus ou d'hésitations de certains ministères parisiens à accorder des programmes de défiscalisation, tel celui de l'Airbus A340, par exemple.

En se frappant la tête, on se demande comment Jacques Chirac a pu réussir une erreur aussi monumentale en ordonnant la dissolution de l'Assemblée nationale. Ô combien ses conseillers, naviguant entre les dorures de l'Elysée et les fastes de Matignon, doivent être séparés de la réalité quotidienne des Français pour s'être permis de lui assurer que la droite l'emporterait ! Certainement sont-ils les mêmes que ceux qui lui avaient assuré que la reprise des essais nucléaires en 1995 n'auraient que peu de répercussions internationales alors que Tahiti en subit aujourd'hui encore, avec ses hôtels vides, tous les effets ; assurément l'une des raisons pour laquelle M. Chirac accordait une oreille réceptive aux demandes de M. Flosse.

Voici donc le « pipeline Chirac » soudainement bouché à une extrémité, puisque le Président de la République se retrouve "en opposition" pendant le restant de son mandat et ne peut plus faire jouer la "solidarité RPR" pour influencer le Parlement ou le gouvernement national, surtout que les socialistes ne se sentent nullement responsables des conséquences de la reprise des essais, eux qui les avaient arrêtés.

C'est pourquoi le gouvernement de Tahiti, lui, va maintenant devoir rapprendre à faire « gentil-gentil » avec les socialistes qu'il a tant dénigrés depuis 1993 afin de pouvoir poursuivre sa frénésie de projets défiscalisés, destinés, comme l'admet candidement le ministre Peaucellier « à remplacer la manne du CEP par celui de la loi Pons ». Ainsi la Polynésie française va rencontrer des temps plus difficiles, maintenant qu'elle n'a plus à Paris les faveurs et la relative priorité dont elle a su si bien profiter ces deux années passées. Car désormais en France, même si la droite revenait au pouvoir, la priorité des priorités est la lutte contre le chômage, ce cancer qui porte tant atteinte à la dignité des gens et risque de sacrifier une génération à la précarité et au désespoir. Que Tahiti, sans essais atomiques et sans Guerre Froide, se trouve dorénavant bien loin des préoccupations des cercles parisiens du pouvoir ne fait aucun doute.

Le "Secrétariat d'Etat virtuel au Pacifique Sud" de M. Flosse va retourner en hibernation, le député "RPR" Vernaudon redeviendra certainement socialiste et peut-être la Polynésie française se consacrera-t-elle enfin à un effort de développement réel et crédible car, il faut l'avouer, « Tonton-gâteau Chirac » avait dans bien des esprits de Tahiti remplacé la rente nucléaire tant on nous bombardait d'annonces de "milliards Chirac" qui dans nos îles désormais subventionnent tout, des emplois nouveaux jusqu'à la caisse enregistreuse du "Chinois".

Rappelons aussi que le sectarisme notoire du système RPR a contribué à son rejet par les Français et nous espérons que là aussi il y a une leçon à tirer. L'ostracisme de l'entourage de Président à l'égard de notre magazine et de la liberté de la presse, que nous redoutions déjà dans notre éditorial de juillet 1995 (N°51), se réalisa malheureusement un an plus tard.

Les "affaires" et l'immunité supposée de certains notables ont aussi lourdement pesés dans le vote des Français. Là encore, espérons que la Justice saura être plus rapide et équitable car l'Egalité des citoyens est indispensable à la crédibilité d'une démocratie saine et désirable, à Tahiti comme en France.

Et si vous deviez quitter Tahiti, n'oubliez surtout pas de vous abonner, car les prochaines années risquent, comme toujours dans nos îles, d'être fort passionnantes!
Bonne lecture à tous.

Alex. W. du PREL

Directeur de la Publication.

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Copyright Tahiti Pacifique magazine 1997