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Une dissolution... et tout a changé !
Dimanche matin, le 1er juin, décalage horaire oblige, tout a basculé à
Tahiti : nous venions d'apprendre la cuisante défaite de la droite lors du
deuxième tour des législatives en France. Pourquoi être si dramatique ?
Parce que toute la politique du gouvernement Flosse a été basée et sur
l'amitié personnelle que lui porte le Président de la République, Jacques
Chirac, et sur la capacité de celui-ci à imposer au gouvernement national
des décisions favorables à la Polynésie française. Ceci a été démontré à
plusieurs reprises, comme lors de refus ou d'hésitations de certains
ministères parisiens à accorder des programmes de défiscalisation, tel
celui de l'Airbus A340, par exemple.
En se frappant la tête, on se demande comment Jacques Chirac a pu réussir
une erreur aussi monumentale en ordonnant la dissolution de l'Assemblée
nationale. Ô combien ses conseillers, naviguant entre les dorures de
l'Elysée et les fastes de Matignon, doivent être séparés de la réalité
quotidienne des Français pour s'être permis de lui assurer que la droite
l'emporterait ! Certainement sont-ils les mêmes que ceux qui lui avaient
assuré que la reprise des essais nucléaires en 1995 n'auraient que peu de
répercussions internationales alors que Tahiti en subit aujourd'hui encore,
avec ses hôtels vides, tous les effets ; assurément l'une des raisons pour
laquelle M. Chirac accordait une oreille réceptive aux demandes de M.
Flosse.
Voici donc le « pipeline Chirac » soudainement bouché à une extrémité,
puisque le Président de la République se retrouve "en opposition" pendant
le restant de son mandat et ne peut plus faire jouer la "solidarité RPR"
pour influencer le Parlement ou le gouvernement national, surtout que les
socialistes ne se sentent nullement responsables des conséquences de la
reprise des essais, eux qui les avaient arrêtés.
C'est pourquoi le gouvernement de Tahiti, lui, va maintenant devoir
rapprendre à faire « gentil-gentil » avec les socialistes qu'il a tant
dénigrés depuis 1993 afin de pouvoir poursuivre sa frénésie de projets
défiscalisés, destinés, comme l'admet candidement le ministre Peaucellier «
à remplacer la manne du CEP par celui de la loi Pons ». Ainsi la Polynésie
française va rencontrer des temps plus difficiles, maintenant qu'elle n'a
plus à Paris les faveurs et la relative priorité dont elle a su si bien
profiter ces deux années passées. Car désormais en France, même si la
droite revenait au pouvoir, la priorité des priorités est la lutte contre
le chômage, ce cancer qui porte tant atteinte à la dignité des gens et
risque de sacrifier une génération à la précarité et au désespoir. Que
Tahiti, sans essais atomiques et sans Guerre Froide, se trouve dorénavant
bien loin des préoccupations des cercles parisiens du pouvoir ne fait aucun
doute.
Le "Secrétariat d'Etat virtuel au Pacifique Sud" de M. Flosse va retourner
en hibernation, le député "RPR" Vernaudon redeviendra certainement
socialiste et peut-être la Polynésie française se consacrera-t-elle enfin à
un effort de développement réel et crédible car, il faut l'avouer, «
Tonton-gâteau Chirac » avait dans bien des esprits de Tahiti remplacé la
rente nucléaire tant on nous bombardait d'annonces de "milliards Chirac"
qui dans nos îles désormais subventionnent tout, des emplois nouveaux
jusqu'à la caisse enregistreuse du "Chinois".
Rappelons aussi que le sectarisme notoire du système RPR a contribué à son
rejet par les Français et nous espérons que là aussi il y a une leçon à
tirer. L'ostracisme de l'entourage de Président à l'égard de notre magazine
et de la liberté de la presse, que nous redoutions déjà dans notre
éditorial de juillet 1995 (N°51), se réalisa malheureusement un an plus
tard.
Les "affaires" et l'immunité supposée de certains notables ont aussi
lourdement pesés dans le vote des Français. Là encore, espérons que la
Justice saura être plus rapide et équitable car l'Egalité des citoyens est
indispensable à la crédibilité d'une démocratie saine et désirable, à
Tahiti comme en France.
Et si vous deviez quitter Tahiti, n'oubliez surtout pas de vous abonner,
car les prochaines années risquent, comme toujours dans nos îles, d'être
fort passionnantes! Bonne lecture à tous.
Alex. W. du PREL
Directeur de la Publication.
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