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De la justice, du nucléaire...
Après avoir lu la "publication judiciaire" (certainement une des plus
longues de l'histoire de France) que nous avions publiée voici deux mois,
un fidèle lecteur nous expédia un extrait de juris-classeur concernant la
"Convention européenne des droits de l'homme, Droits garantis, Libertés de
la pensée...".
Ces très sages pages proclament que « La protection des sources
d'information du journaliste a été consacrée de manière éclatante par la
Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Goodwin du 27 mars
1996 (...) La Cour met en évidence l'importance que revêt la protection des
sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société
démocratique. L'absence d'une protection des sources d'information pourrait
dissuader les médias d'aider la presse à informer le public sur des
questions d'intérêt général. Cela aurait pour conséquence de l'empêcher de
jouer son rôle indispensable de « chien de garde », et son aptitude à
fournir des informations fiables et précises pourrait s'en trouver
amoindrie. C'est pourquoi une restriction au secret des sources ne saurait
se concilier avec l'article 10 de la Convention que si elle se justifie par
un impératif prépondérant d'intérêt public.»
Sans vouloir même oser critiquer une décision de justice (ce que la Loi
nous est interdit), il nous semble qu'un petit "conflit d'interprétation"
pourrait exister entre les savantes lignes imprimées ci-dessus et un
extrait de notre condamnation par la Cour d'appel de Papeete : « Attendu
que M. du Prel ne peut invoquer sa bonne foi alors qu'il se refuse à
révéler les sources et donc les conditions de l'enquête justifiant
l'allégation incriminée ». Certes, la condamnation fut des plus légères,
juste la publication judiciaire et les dépens, même pas le franc
symbolique... mais condamné quand même. Bien sûr, il est vrai que nous sommes
si loin de l'Europe, dans un monde bien plus chaleureux et océanique qui
nous isole encore des rigoureux idéaux nordiques pour une société parfaite
et plus juste. Mais surtout, les belles lignes du sage jugement de la Cour
d'appel de Papeete, qui confirment que nous protégeons bien nos sources,
devraient conforter tous ceux qui, dans un noble et démocratique effort de
transparence, confient à Tahiti-Pacifique tout leurs petits secrets afin
d'éviter à notre belle Polynésie française de dériver sur la voie qu'ont
pris d'autres pays pour devenir de bananières républiques.
Au delà de ces "détails judiciaires", 11 essais nucléaires indiens et
pakistanais ont ébranlé le mois de mai passé. Le fait que nos Tuamotu ont
été le "Nucléaireland" français pendant 30 ans nous donne bien le droit
d'en parler. Ah, l'indignation des autres pays, surtout des USA. Pourquoi
tant d'inégalité ? Lorsque la France, pays de 60 millions d'habitants en
faisaient "péter" 6 chez nous, Washington se taisait, alors que l'Inde,
avec ses 900 millions d'âmes et le Pakistan avec ses 100 millions sont
quand même de plus grandes "puissances". Serait-ce parce qu'ils sont plus
bronzés ? Aussi, on n'a point vu les demoiselles de "Greenpeace" dans ces
pays? Non, rassurez-vous, le rédacteur-en-chef n'a pas adhéré au lobby
pro-nucléaire, il s'agit juste d'équité ici.
Parlant de lobby nucléaire, celui de la "bombe propre" semble toujours
actif à Tahiti. Après la publication de deux articles dans un quotidien
dénonçant l'horreur des séquelles bombes atomiques (américaines, bien sûr)
aux îles Marshall, un éditorial intitulé "Les misérables" s'indignait
(justement) des essais de Bikini et de leurs retombées sur Rongelap, essais
perpétrés jadis par ces « anglo-saxons n'ayant pas d'état d'âme et ne
connaissant pas le remords », alors que, y est-il écrit, « la France,
elle, avait au moins choisi un atoll désert loin de toute île habitée. » Ah
oui ? Et les îles de Tureia et de Mangareva, alors, elles n'étaient pas
habitées ? Mon Dieu, quelle désinformation, surtout que Mangareva est à la
même distance (180 kms) de Moruroa que Rongelap l'est de Bikini, et Tureia
est tellement plus proche ! Et si les 82 habitants de Rongelap ont été
évacués deux jours après les retombées, par contre les 600 personnes de
Mangareva, eux, ne l'ont jamais été! Enfin, si on peut écrire à gogo sur
les essais américains dans le Pacifique, c'est bien parce que leurs
archives sont ouvertes depuis des lustres, alors que celles de Moruroa
viennent d'être re-enterrées jusqu'en 2026, tant les essais sont «
inoffensifs » !!! Le rapide coup d'¦il qu'a eu le journaliste de "Nouvel
Obs" sur quelques archives a de suite confirmé que les retombées françaises
et américaines ont, hélas, eu les mêmes tristes effets.
Parlant de Moruroa, on nous annonce que le nouveau film fantastique et à
succès "Godzilla", lequel fait un "tabac" aux USA, offre encore une fois
une publicité pour nos îles dont nous nous passerions bien : ce monstre y
est présenté comme la mutation génétique d'un lézard irradié sur nos atolls
atomiques, dits "propres". Au moins le "Flohstown Paradise" du film "5ème
élément" de Luc Besson, lui, avait une bonne dose d'humour.
Bonne lecture à tous et merci pour votre fidélité.
PS : à méditer : 100% des fumeurs meurent. (N.d.l.r.: hélas, 100% des non
fumeurs meurent aussi !)
Alex W. duPREL
Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
B.P. 368, MOOREA, French Polynesia
Tel : (+689) 56 28 94
Fax : (+689) 56 30 07
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