"Ce qui vient au monde
pour ne rien troubler
ne mérite ni égards
ni patience."

René CHAR, 1907-1988


Chères lectrices,
Chers lecteurs




De la justice, du nucléaire...

Après avoir lu la "publication judiciaire" (certainement une des plus longues de l'histoire de France) que nous avions publiée voici deux mois, un fidèle lecteur nous expédia un extrait de juris-classeur concernant la "Convention européenne des droits de l'homme, Droits garantis, Libertés de la pensée...".

Ces très sages pages proclament que « La protection des sources d'information du journaliste a été consacrée de manière éclatante par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Goodwin du 27 mars 1996 (...) La Cour met en évidence l'importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique. L'absence d'une protection des sources d'information pourrait dissuader les médias d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. Cela aurait pour conséquence de l'empêcher de jouer son rôle indispensable de « chien de garde », et son aptitude à fournir des informations fiables et précises pourrait s'en trouver amoindrie. C'est pourquoi une restriction au secret des sources ne saurait se concilier avec l'article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d'intérêt public.»

Sans vouloir même oser critiquer une décision de justice (ce que la Loi nous est interdit), il nous semble qu'un petit "conflit d'interprétation" pourrait exister entre les savantes lignes imprimées ci-dessus et un extrait de notre condamnation par la Cour d'appel de Papeete : « Attendu que M. du Prel ne peut invoquer sa bonne foi alors qu'il se refuse à révéler les sources et donc les conditions de l'enquête justifiant l'allégation incriminée ». Certes, la condamnation fut des plus légères, juste la publication judiciaire et les dépens, même pas le franc symbolique... mais condamné quand même. Bien sûr, il est vrai que nous sommes si loin de l'Europe, dans un monde bien plus chaleureux et océanique qui nous isole encore des rigoureux idéaux nordiques pour une société parfaite et plus juste. Mais surtout, les belles lignes du sage jugement de la Cour d'appel de Papeete, qui confirment que nous protégeons bien nos sources, devraient conforter tous ceux qui, dans un noble et démocratique effort de transparence, confient à Tahiti-Pacifique tout leurs petits secrets afin d'éviter à notre belle Polynésie française de dériver sur la voie qu'ont pris d'autres pays pour devenir de bananières républiques.

Au delà de ces "détails judiciaires", 11 essais nucléaires indiens et pakistanais ont ébranlé le mois de mai passé. Le fait que nos Tuamotu ont été le "Nucléaireland" français pendant 30 ans nous donne bien le droit d'en parler. Ah, l'indignation des autres pays, surtout des USA. Pourquoi tant d'inégalité ? Lorsque la France, pays de 60 millions d'habitants en faisaient "péter" 6 chez nous, Washington se taisait, alors que l'Inde, avec ses 900 millions d'âmes et le Pakistan avec ses 100 millions sont quand même de plus grandes "puissances". Serait-ce parce qu'ils sont plus bronzés ? Aussi, on n'a point vu les demoiselles de "Greenpeace" dans ces paysŠ? Non, rassurez-vous, le rédacteur-en-chef n'a pas adhéré au lobby pro-nucléaire, il s'agit juste d'équité ici.

Parlant de lobby nucléaire, celui de la "bombe propre" semble toujours actif à Tahiti. Après la publication de deux articles dans un quotidien dénonçant l'horreur des séquelles bombes atomiques (américaines, bien sûr) aux îles Marshall, un éditorial intitulé "Les misérables" s'indignait (justement) des essais de Bikini et de leurs retombées sur Rongelap, essais perpétrés jadis par ces « anglo-saxons n'ayant pas d'état d'âme et ne connaissant pas le remords », alors que, y est-il écrit, « la France, elle, avait au moins choisi un atoll désert loin de toute île habitée. » Ah oui ? Et les îles de Tureia et de Mangareva, alors, elles n'étaient pas habitées ? Mon Dieu, quelle désinformation, surtout que Mangareva est à la même distance (180 kms) de Moruroa que Rongelap l'est de Bikini, et Tureia est tellement plus proche ! Et si les 82 habitants de Rongelap ont été évacués deux jours après les retombées, par contre les 600 personnes de Mangareva, eux, ne l'ont jamais été! Enfin, si on peut écrire à gogo sur les essais américains dans le Pacifique, c'est bien parce que leurs archives sont ouvertes depuis des lustres, alors que celles de Moruroa viennent d'être re-enterrées jusqu'en 2026, tant les essais sont « inoffensifs » !!! Le rapide coup d'¦il qu'a eu le journaliste de "Nouvel Obs" sur quelques archives a de suite confirmé que les retombées françaises et américaines ont, hélas, eu les mêmes tristes effets.

Parlant de Moruroa, on nous annonce que le nouveau film fantastique et à succès "Godzilla", lequel fait un "tabac" aux USA, offre encore une fois une publicité pour nos îles dont nous nous passerions bien : ce monstre y est présenté comme la mutation génétique d'un lézard irradié sur nos atolls atomiques, dits "propres". Au moins le "Flohstown Paradise" du film "5ème élément" de Luc Besson, lui, avait une bonne dose d'humour.

Bonne lecture à tous et merci pour votre fidélité.

PS : à méditer : 100% des fumeurs meurent. (N.d.l.r.: hélas, 100% des non fumeurs meurent aussi !)


Alex W. duPREL

Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
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Tel : (+689) 56 28 94
Fax : (+689) 56 30 07
<tahitipm@mail.pf>

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