| |
Retour au Paradis...
Partir en vacances, c'est toujours revigorant, même si les grandes vacances
de Tahiti sont accordées en plein hiver austral, mimétisme et tradition
coloniale obligent. Ah, quoi de plus beau que de rouler plus de 4000
kilomètres sur les routes désertes mais superbes dans les déserts de
l'ouest américain pour vous "blanchir" le cerveau !
Sur le point de prendre l'avion du retour, nous découvrons l'entrée de
l'aérogare de San Francisco bloquée par une interminable file de chariots
bondées de sacs, caisses et valises qui s'étire sur un tiers de l'immense
aéroport. Y aurait-il un vol vers la Papouasie, pays sinistré par un
raz-de-marée et vers lequel on expédie des secours ? A moins que ce vol
soit vers un pays du Tiers-Monde où une révolution a anéanti le commerce...
Les voyageurs américains ébahis et effarés par le spectacle, se
questionnent. Nous découvrons vite qu'il ne s'agit pas là d'un vol vers un
pays où a sévi une catastrophe naturelle, mais que ce sont les Tahitiens,
tous "sapés" des pieds à la tête avec des habits neufs et qui rentrent chez
eux après une semaine de shopping aux USA, vers un pays où sévit une autre
sorte de catastrophe, non naturelle, celle-là : tout y est de trois à
quatre fois plus cher. Notre admiration va envers la compagnie aérienne qui
a réussi à charger cette montagne de marchandises dans un Boeing tout aussi
bondé côté passagers.
Après huit heures de vol, l'aéroport de Tahiti s'avère bien trop petit pour
toute cette foule et ses bagages, une situation qui se transformera en
chaos total après que deux autres avions tout aussi bondés se posèrent,
surtout qu'un seul des tapis roulants pour les bagages fonctionnait.
Puis vint le passage à la douane, moment tant redouté par tout habitant de
Tahiti et de ses îles qui revient de l'étranger, car il se sent alors comme
un horrible criminel, coupable d'avoir osé acheter ce dont il rêvait ou
avait besoin à un prix normal. Heureusement, les deux uniques douaniers
affectés à la longue file "résidents" étaient totalement débordés et durent
vite accélérer le passage, sans inspection, de l'armée de "fraudeurs", la
plupart de braves gens qui pour la première fois quittaient leur île. Dès
l'arrivée dans le hall, bondé lui aussi, le sentiment de soulagement de
tous, presque euphorique, était franchement palpable.
Sur la route vers Papeete, on eut le droit de redécouvrir cette autre
spécificité tahitienne : l'embouteillage permanent, devenu une nouvelle
ressource de curiosité touristique de cette île. Pourtant, les
embouteillages commençaient à devenir la norme déjà en 1989 et depuis, le
parc automobile a plus que doublé mais on n'a pas rajouté un kilomètre de
route, ni un parking. Mon Dieu, quel "bordel" ça va être à la rentrée des
classes, fin septembre. Comme on dit, « Gouverner, c'est prévoir », voire «
On a le gouvernement qu'on mérite »...
Après une agréable traversée en ferry, Moorea dévoile ses charmes mais un
passage sur la route des Ananas, certainement la route la plus touristique
de la Polynésie française, nous remit les pieds sur terre : c'était
toujours une piste défoncée, ravinée par quelques lointaines pluies et où
toute conduite en scooter, même en voiture, est dangereuse. Bien que nos
dirigeants clament que « nous devons vivre du tourisme, c'est notre seule
chance », l'état lamentable, tiers-mondiste et quasi permanent de cette
route hautement touristique démontre que tout ça n'est que langue de bois,
un discours vide. Je verse une larme chaude en pensant que même le chemin
le plus reculé et désert au fond de l'Arizona est une autoroute comparée à
cette honte de Moorea, tout en me posant la question que tout le monde se
pose en empruntant ce chemin : « Mais où donc sont passés les milliers de
milliards de la rente atomique ? »
Pour la petite histoire, sachez qu'une niveleuse bancale viendra quelques
jours plus tard tenter de remplir une partie des trous de la route avec un
peu de soupe corail. La raison ? « Le ministre (territorial) de
l'Agriculture vient faire une visite » fut la discrète explication. Quelle
folie ! On répare (mal) la route pour une grosse huile locale qui nous
coûte tous très cher, mais pour les touristes, ceux qui nous apportent les
devises qui nous permettre de vivre, on s'en fout ! Il est vrai que nous
vivons dans un système clientéliste et que « le touriste ne vote pas ». En
êtes vous sûr ? Si justement, il vote aussi, mais avec son portefeuille et
ira la prochaine fois ailleurs, là où on pensera à lui !
Fini les vacances ! Comme vous avez pu le lire, je suis vite retombé dans
la réalité du quotidien du Paradis.
Bonne lecture à tous
Alex W. duPREL
Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
B.P. 368, MOOREA, French Polynesia
Tel : (+689) 56 28 94
Fax : (+689) 56 30 07
<tahitipm@mail.pf>
|