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Un jeu très dangereux...
Que penser de la grande messe flossienne à Rarotonga ? (lire "Actualité",
pages 7 à 10). Elle est indéniablement l'expression de deux facteurs :
d'abord, c'est une mise en application dans toutes ses limites des
nouvelles compétences accordées à la Polynésie française dans le statut de
1996 ; ensuite cela semble être l'expression d'une vengeance de M. Flosse
vis-à-vis du gouvernement Jospin qui ne l'a ni consulté, ni invité à faire
partie de la délégation française à Rarotonga. Certainement doit-on
rajouter à cela une amertume apparente depuis le changement de majorité en
France, car ces élections ont "grippé" une machine bien huilée dans
laquelle tout le monde, de Chirac en passant par Juppé, était attentif aux
désirs de M. Flosse.
Mais il faut surtout replacer les choses dans leur réalité : Qu'est la
Polynésie française ? C'est un territoire isolé de 220 000 habitants au
milieu du Pacifique qui a acquis -pour une partie de sa population
seulement- une prospérité tout à fait étonnante et artificielle grâce à une
subvention massive des deniers des contribuables français : 150 milliards
Fcfp, (7 milliards FF) en 1996, soit l'égal de toutes les subventions
perçues par tous les Etats insulaires anglophones du Pacifique -dont
l'immense Papouasie-, toutes sources confondues. Tahiti est donc le
champion des subventionnés et l'an passé nos subsides ont encore battu tous
les records. Or que faisons-nous ? Au lieu d'être modestes, de rester
cachés en remerciant Dieu pour notre bonne chance, nous frimons et tentons
d'impressionner quelques leaders éphémères de micro-pays comme Niue (2200
âmes), Tuvalu (9000 âmes) ou le Kiribati (72 000 âmes).
Aussi, en contradiction totale avec le "Pacific Way" qui commande de ne pas
"faire honte" à son voisin en étalant la richesse que lui n'a pas, nous
transportons des limousines de 15 millions à travers 1800 kms d'océans afin
de pouvoir parader devant une population en désarroi sur une île en
faillite. Mais surtout nous essayons de prouver face à ces poussières
d'Etats que nous sommes l'égal, voire "meilleur" que la nation qui nous
nourrit, la France, un pays de 55 millions d'âmes, notre "papa gâteau"
depuis 32 ans sans lequel nous serions tout aussi misérables que nos
voisins. Même notre ministre des Finances le reconnaît : « sans les
transferts de métropole, tout s'écroule ...» Non, il n'est jamais bon de
mordre la main qui vous nourrit, tout enfant le sait.
Peut-être l'épisode de Rarotonga était-il le résultat d'un arrangement
secret entre le Président Chirac et Gaston Flosse pour embarrasser les
socialistes ou peut-être était-il juste l'humeur et l'ego du président
Flosse qui s'extériorisent ; 10 ans de pouvoir presque absolu laisse des
traces.
Quoi qu'il en soit, ce jeu est dangereux, très dangereux même car à Paris
il y a de plus en plus de hauts fonctionnaires, même parmi la droite, qui
pensent que "lâcher" Tahiti, puisqu'on « n'en a plus besoin, les essais
sont terminés », ne serait pas une grande perte. C'est pourquoi des
agissements embarrassants pour la France à Rarotonga ou ailleurs ainsi que
les incessantes demandes « d'une autonomie qui va encore plus loin »
pourraient un jour tenter un gouvernement, surtout s'il se trouve face à
une crise économique grave, de répondre carrément « Fiu, nous allons vous
donner toute votre autonomie, à 100% », en d'autres mots l'indépendance.
Doit-on réveiller ce dragon pour satisfaire la soif de prestige d'un homme
?
Ne serait-il pas plus raisonnable -et plus honnête- de construire d'abord
une réelle indépendance économique (cela ne se fera pas avec des palais et
des tunnels) afin de nous débarrasser de notre image d'assistés gâtés dans
le Pacifique avant de signer des "traités de coopération" avec nos voisins
alors que nos propres archipels se plaignent d'être oubliés par Tahiti ?
C'est après seulement que nous pourrons être une « puissance régionale » et
envoyer des "French doctors" chez nos voisins. Pour l'instant, tout ça,
c'est du rêve et du pipeau puisque les seuls moyens que nous avons restent
ceux que laFrance veut bien nous donner.
Alors, comme dit Emile, « restons humbles »...
Alex. W. du PREL
Directeur de la Publication.
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