"Ce qui vient au monde
pour ne rien troubler
ne mérite ni égards
ni patience."

René CHAR, 1907-1988


Chères lectrices,
Chers lecteurs




Tahiti, Polynésie ou Tahiti-Nui ?

Depuis deux ans, notre territoire semble en proie à une crise d'identité, à tel point que la confusion engendre parfois le comique. Pour preuve, la dernière carte téléphonique émise par l'OPT (office des postes et télécommunications) qui nous présente en trois langues le drapeau de la Polynésie française en tant que "drapeau polynésien" (notre photo).

Pourtant le Larousse -ou tout autre encyclopédie- définit bien la Polynésie comme : « partie de l'Océanie, comprenant les îles et archipels situés entre la Nouvelle-Zélande, les îles Hawaii et l'île de Pâques : 26 000 km2, dont les deux tiers pour Hawaii ». Une vaste Polynésie qui offre une identité de Polynésien dont les habitants de beaucoup de pays sont très fiers : les îles Samoa se qualifient de « berceau de la Polynésie », alors que le royaume des Tonga fait sa promotion en tant que « Polynésie ancienne ». Aux îles Hawaii, les résidents s'appellent Hawaiiens alors que pour les différencier, les autochtones de souche sont appelés "Polynésiens", tout comme les Maoris de Nouvelle-Zélande sont aussi des Polynésiens. Pour le monde entier, le nom utilisé pour cerner notre territoire est "Tahiti", ce que sait trop bien notre office du tourisme puisque toutes ses brochures et publicités utilisent ce nom ou "Tahiti et ses îles". Même la nouvelle compagnie aérienne se nomme "Air Tahiti Nui" et non "Air Polynésie" car il existe depuis des lustres une compagnie "Polynesian Air" aux Samoa.

Notre Polynésie orientale, ancien établissement français de l'Océanie devenu "Polynésie française" en 1957, s'accapare donc pour elle seule le nom de "Polynésie". Cette appellation de Tahiti et de ses dépendances a réellement été mis à la mode par un discours du président Flosse lors de la mise en place du nouveau statut de1996, discours dans lequel il déclara que « dorénavant, l'assemblée territoriale se nomme "Assemblée de la Polynésie", -tout court- ». Cette consigne présidentielle fut suivie à la lettre et "à vos ordres" par tous les médias de Tahiti (même Radio Tefana !), ce qui crée depuis des situations cocasses, voire aberrantes. Ainsi, lorsque sir Geoffrey Henry, Premier ministre des îles Cook déclare en anglais à la télé « Je suis venu en Polynésie française pourŠ», on traduit « Je suis venu en Polynésie pourŠ» alors que son pays est bien plus authentiquement polynésien que Tahiti aujourd'hui. Ou tel cet article de journal qui affirme que les « eaux polynésiennes sont plus poissonneuses que celles de Hawaii ». Nous pourrions remplir un magazine complet de telles inepties quotidiennes qui donnent une impression de manque de rigueur, si ce n'est celle d'un nombrilisme certain.

Pourtant, l'appellation « "Assemblée de la Polynésie", -tout court- » est fausse puisqu'il suffit de lire n'importe quel journal officiel de la P.F. ou le papier à lettre de cette assemblée pour vérifier que son nom officiel est bien "Assemblée de la Polynésie française".

Mais alors pourquoi ce bannissement récent de l'adjectif "français(e)" du nom des institutions de Tahiti ? La raison est politique. Certainement pour renforcer l'illusion d'un pays pleinement autonome, voire quasi-indépendant mais aussi pour éviter de donner du grain à moudre aux indépendantistes de Tahiti qui pourraient dire : « Voyez l'adjectif "français(e)", ça prouve bien que cette autonomie est bidon ! »

Bon, pourquoi alors ne pas utiliser tout simplement "Tahiti" et les adjectifs "tahitien(ne)" comme cela était l'usage voici 10 ans encore ? , Là encore, la raison semble politique car son utilisation pourrait, cette fois-ci, alimenter la dialectique des mouvements séparatistes des îles Marquises, archipel où les habitants ne se considèrent pas du tout comme des Tahitiens, puisqu'ils accusent ceux-ci de "néo colonialisme", mais bien des Marquisiens.

Il est certain que l'adjectif "polynésien" est bien le seul qui puisse qualifier aussi bien des Tahitiens, Marquisiens, Paumotu ou autres Rapa. Par contre, notre gouvernement et assemblée "polynésien(ne)s" sont des institutions qui ne signifient rien pour la vaste majorité des Polynésiens qui, eux, vivent à Hawaii, Wallis, Tonga, Samoa, îles Cook, Tuvalu, Niue, Nauru, Rotuma, Tikopia, Nouvelle-Zélande, etc.

Oui, c'est un problème. Il serait donc grand temps pour la Polynésie française de trouver un nouveau nom qui ne soulève plus d'ambiguïté, tel "Tahiti Nui" (le Grand Tahiti) cher à notre président-sénateur. Mais encore faut-il qu'il satisfasse tout le petit monde politique de nos îles. Or là est bien la difficulté...


Bonne lecture à tous et merci pour votre fidélité.


Alex W. duPREL

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TAHITI-PACIFIQUE Magazine
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