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Tahiti, Polynésie ou Tahiti-Nui ?
Depuis deux ans, notre territoire semble en proie à une crise d'identité, à
tel point que la confusion engendre parfois le comique. Pour preuve, la
dernière carte téléphonique émise par l'OPT (office des postes et
télécommunications) qui nous présente en trois langues le drapeau de la
Polynésie française en tant que "drapeau polynésien" (notre photo).
Pourtant le Larousse -ou tout autre encyclopédie- définit bien la Polynésie
comme : « partie de l'Océanie, comprenant les îles et archipels situés
entre la Nouvelle-Zélande, les îles Hawaii et l'île de Pâques : 26 000 km2,
dont les deux tiers pour Hawaii ». Une vaste Polynésie qui offre une
identité de Polynésien dont les habitants de beaucoup de pays sont très
fiers : les îles Samoa se qualifient de « berceau de la Polynésie », alors
que le royaume des Tonga fait sa promotion en tant que « Polynésie ancienne
». Aux îles Hawaii, les résidents s'appellent Hawaiiens alors que pour les
différencier, les autochtones de souche sont appelés "Polynésiens", tout
comme les Maoris de Nouvelle-Zélande sont aussi des Polynésiens. Pour le
monde entier, le nom utilisé pour cerner notre territoire est "Tahiti", ce
que sait trop bien notre office du tourisme puisque toutes ses brochures et
publicités utilisent ce nom ou "Tahiti et ses îles". Même la nouvelle
compagnie aérienne se nomme "Air Tahiti Nui" et non "Air Polynésie" car il
existe depuis des lustres une compagnie "Polynesian Air" aux Samoa.
Notre Polynésie orientale, ancien établissement français de l'Océanie
devenu "Polynésie française" en 1957, s'accapare donc pour elle seule le
nom de "Polynésie". Cette appellation de Tahiti et de ses dépendances a
réellement été mis à la mode par un discours du président Flosse lors de la
mise en place du nouveau statut de1996, discours dans lequel il déclara que
« dorénavant, l'assemblée territoriale se nomme "Assemblée de la
Polynésie", -tout court- ». Cette consigne présidentielle fut suivie à la
lettre et "à vos ordres" par tous les médias de Tahiti (même Radio Tefana
!), ce qui crée depuis des situations cocasses, voire aberrantes. Ainsi,
lorsque sir Geoffrey Henry, Premier ministre des îles Cook déclare en
anglais à la télé « Je suis venu en Polynésie française pour», on traduit
« Je suis venu en Polynésie pour» alors que son pays est bien plus
authentiquement polynésien que Tahiti aujourd'hui. Ou tel cet article de
journal qui affirme que les « eaux polynésiennes sont plus poissonneuses
que celles de Hawaii ». Nous pourrions remplir un magazine complet de
telles inepties quotidiennes qui donnent une impression de manque de
rigueur, si ce n'est celle d'un nombrilisme certain.
Pourtant, l'appellation « "Assemblée de la Polynésie", -tout court- »
est fausse puisqu'il suffit de lire n'importe quel journal officiel de la
P.F. ou le papier à lettre de cette assemblée pour vérifier que son nom
officiel est bien "Assemblée de la Polynésie française".
Mais alors pourquoi ce bannissement récent de l'adjectif "français(e)" du
nom des institutions de Tahiti ? La raison est politique. Certainement pour
renforcer l'illusion d'un pays pleinement autonome, voire quasi-indépendant
mais aussi pour éviter de donner du grain à moudre aux indépendantistes de
Tahiti qui pourraient dire : « Voyez l'adjectif "français(e)", ça prouve
bien que cette autonomie est bidon ! »
Bon, pourquoi alors ne pas utiliser tout simplement "Tahiti" et les
adjectifs "tahitien(ne)" comme cela était l'usage voici 10 ans encore ? ,
Là encore, la raison semble politique car son utilisation pourrait, cette
fois-ci, alimenter la dialectique des mouvements séparatistes des îles
Marquises, archipel où les habitants ne se considèrent pas du tout comme
des Tahitiens, puisqu'ils accusent ceux-ci de "néo colonialisme", mais bien
des Marquisiens.
Il est certain que l'adjectif "polynésien" est bien le seul qui puisse
qualifier aussi bien des Tahitiens, Marquisiens, Paumotu ou autres Rapa.
Par contre, notre gouvernement et assemblée "polynésien(ne)s" sont des
institutions qui ne signifient rien pour la vaste majorité des Polynésiens
qui, eux, vivent à Hawaii, Wallis, Tonga, Samoa, îles Cook, Tuvalu, Niue,
Nauru, Rotuma, Tikopia, Nouvelle-Zélande, etc.
Oui, c'est un problème. Il serait donc grand temps pour la Polynésie
française de trouver un nouveau nom qui ne soulève plus d'ambiguïté, tel
"Tahiti Nui" (le Grand Tahiti) cher à notre président-sénateur. Mais encore
faut-il qu'il satisfasse tout le petit monde politique de nos îles.
Or là est bien la difficulté...
Bonne lecture à tous et merci pour votre fidélité.
Alex W. duPREL
Directeur de la Publication / Editor
TAHITI-PACIFIQUE Magazine
B.P. 368, MOOREA, French Polynesia
Tel : (+689) 56 28 94
Fax : (+689) 56 30 07
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