TAHITI-PACIFIQUE Magazine. - n° 238, février 2011
Que faire contre une piqûre de nohu ?
En 2010, une Tahitienne âgée d’une trentaine d’années vient me
consulter pour une douleur au pied gauche entraînant une gêne à la
marche. Elle est obligée de s’appuyer sur une canne pour se déplacer.
Elle s’était baignée deux jours plus tôt dans le lagon et avait
malheureusement posé le pied sur un nohu (poisson-pierre, Synancea
verucosa) tapi sur le sable entre deux massifs de coraux.
Les personnes sur la plage la voyant en état de choc avaient prévenu
les urgences. L’ambulance apparait deux heures plus tard, la transporte
à l’hôpital de Mamao où elle doit attendre plusieurs heures avant
d’être examinée par le service des urgences qui la garde en
observation.
Le lendemain, elle vient me voir car elle souffre toujours. Ayant
défait le pansement, je peux constater non seulement un œdème
impressionnant de la plante du pied, mais aussi une coloration des
ligaments par un hématome sous-jacent. J’injecte par voie
intramusculaire un anti-inflammatoire, prescrit un antibiotique trois
fois par jour ainsi qu’un antalgique, un antiseptique et un
cicatrisant.
Huit jours plus tard, la douleur est moins intense, mais toujours
invalidante lorsqu’elle se déplace. Je renouvelle l’anti-inflammatoire
ainsi que l’administration au niveau de la lésion d’un antiseptique
(Betadine) et d’un cicatrisant (compresse de Flammazine). Des comprimés
d’antalgique complètent le traitement, ainsi que des bains réguliers du
pied au permanganate de potassium.
Trois jours après, injecter un anti-inflammatoire s’avère encore
indispensable. Il est répété le lendemain et le
surlendemain. L’antibiotique est maintenu pour une durée de quatre
jours. Le mal s'atténue. le gonflement et la douleur ont regressé mais
l’état du pied nécessite toujours l’arrêt de travail .
Ainsi donc, une piqûre de nohu a entraîné, outre des soins constants, un arrêt de travail de cinq semaines !
Que faire ?
Cette observation suscite une remarque. Le venin injecté n’a pas été
neutralisé et la patiente est restée six heures (deux heures sur la
plage et quatre heures d’attente aux urgences) sans soins, sans
calmants. Des mesures immédiates auraient pu calmer l’action du venin
et de ce fait diminuer de plusieurs semaines l’incapacité de travail
causée par la mésaventure.
Sucer et eau chaude
Dans l’immédiat, il faut localement inactiver le venin et empêcher sa
diffusion et l’infection secondaire. On lave la plaie à l’eau salée
froide et l’on extraie l’épine ou le fragment d’épine. Un garrot
modérément serré est posé en amont. Une succion énergique à l’endroit
de la piqure, procédé classique mais toujours recommandé, permet
d’extraire une partie du venin qui est inactivé par les sucs digestifs.
Sinon, on approche l'extrémité incandescente d’une cigarette de
la lésion (à quelques millimètres) sachant que le venin est
thermolabile et détruit par une température voisine de 50°.
Troisième possibilité : on trempe le membre blessé dans une eau aussi
chaude que possible (entre 50 et 60°). Il est conseillé d’additionner à
l’eau de ce bain un antiseptique (permanganate de potassium, dakin, eau
de javel).
Ces mesures tendent à minimiser les répercussions de la toxine sur l’état général.
Pour les cas bénins, sans retentissement sur l’état général,
l’administration d’un antihistaminique de synthèse, renouvelé au
besoin, permet d'atténuer l’intensité des réactions.
Si le processus inflammatoire s'étend rapidement, si l’état général
s’aggrave, à l’antibiotique on associe la corticothérapie. Cette
thérapeutique permet de lutter contre le choc en évitant le recours aux
analeptiques majeurs. Elle ne sera
appliquée qu’en milieu hospitalier où la réanimation peut être instituée dès
apparition de symptômes d’empoisonnement grave.
Il existe un serum antivenimeux spécifique pour les piqûres par
Synancée (nohu). Ce sérum est injecté à raison de 2 mil. (1 ampoule)
pour une à deux piqûres, de 4 mil. (2 ampoules) pour trois à quatre
piqûres.
Dr Jean Paul Ehrhard
Références bibliographiques :
Dr Jean Paul Ehrhard et Gérard Seguin. “Les Dangers de la vie marine”. PUF, 1998, p. 76-78.
Dr Ehrhard J. P. “Dangers naturels à Tahiti”. Pacific Promotion Tahiti SA, 1995,
25-27.
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