Juin 1999 - TAHITI-PACIFIQUE magazine - N° 98

Encore plus de la gloire pour les médiocres !

Qu'on ne nous reproche pas de « réchauffer » cette triste histoire, car ce n'est pas nous qui avons publié encore un bouquin, mais ceux-là même qui, au contraire, devraient se taire.

Après que la minable "espionne" Dominique Prieur, alias Sophie Turenge nous ait accablé de ses mémoires ("Agente secrète", 1995, lire TPM n°50) dans lesquelles elle nous expliquait comment elle épatait ses copine des salons parisiens en roulant des cigarettes, un art appris auprès des codétenues maories dans sa prison de Nouvelle-Zélande, voici maintenant que son "mari" Alain Mafart, alias Alain Turenge, à son tour publie un bouquin sur son désastreux rôle dans le plus grand fiasco de l'histoire de l'espionnage français. Deux livres sur un vaste bide, sur un échec patent et lamentable ? Mais que se passe-t-il donc en France ? N'y aurait-il plus d'histoires de succès, de belles choses à raconter qui intéressent les éditeurs ? Dans cette même veine, allons-nous bientôt être obligés de lire les élucubrations d'un Jean-Yves Haberer qui nous explique fièrement "Comment j'ai sauvé le Crédit Lyonnais", voire les mémoires d'un préfet Bonnet "Comment rétablir l'état de droit en Corse" ?

Innocents que nous sommes, nous pensions que l'essentiel de l'art d'être un agent secret consistait en deux qualités essentielles : ne pas se faire prendre et surtout savoir "fermer sa gueule". Hélas, il n'en est rien et la lecture du livre de Mafart nous entraîne dans ce monde privilégié de petits fonctionnaires procéduriers qui jouent aux James Bond de seconde zone. Des années d'entraînement pour rien financées par nous, les contribuables, puisque Mafart et Prieur nous ont montré toute l'étendue de leur nullité voici 14 ans en Nouvelle-Zélande.

Minables mensonges

Un "espion doit savoir mentir", et ça, oui, il sait le faire : « Pour cette mission (Š) Contrairement à de discrètes insinuations qui avaient suinté à l'époque, nous n'avions pas à conserver les fameuses P.J. (pièces justificatives) qui sont le fardeau bureaucratique des opérations usuelles. Donc, quand nous avons été arrêtés, la police n'a rien découvert sur nous, si ce n'est un portefeuille bien garni, qui ne sera saisi que lorsque nous serons inculpés. » Mensonge éhonté, puisque c'est grâce à ces notes de frais, certaines desquelles nos "espions" avaient falsifié en ajoutant un zéro pour gonfler les remboursements, que la police néo-zélandaise a pu de suite reconstituer l'itinéraire des "Turenge". Et s'ils avaient un "portefeuille bien garni", pourquoi n'ont-ils pu poster la caution de 2000 dollars N.Z. ?

Second mensonge : « Nous pensons abandonner le camping-car. Mais à la réflexion, cette décision pourrait se révéler néfaste : si nous sommes recherchés, nous serons attendus à l'aéroport. (Š) Donc, nous ne pouvons courir le risque d'être ennuyés pour une banale grivèlerie, que les policiers mettraient à profit pour nous retenir et nous faire rater l'avion. Et de toute manière, s'ils nous attendent déjà chez notre loueur, ils sont aussi à l'aéroport. Nous n'avons pas le choix, il faut y aller... L'arrivée à l'agence de location se passe bien. Une jeune femme commence à traiter aimablement notre dossier. Mais au bout de quelques instants, elle se fige et quitte soudainement sa place en bredouillant quelques mots. Elle s'éclipse dans un bureau et revient, pâle comme un linge, s'occuper tant bien que mal de nous (Š) Le numéro du camping-car a bien été noté et fourni à la police. Le suspense ne dure pas : quelques minutes après, crissement de pneus, claquements de portières, un petit groupe de policiers, en civil et en uniforme, envahit en trombe l'agence. »

Là encore, c'était hélas bien le contraire. La location du camping-car était prépayée et encore bonne pour deux jours. Ils auraient donc pu le garer n'importe où. Mais nos "espions" sont bien allés à l'agence pour récupérer la caution de 135 dollars NZ, un minable 10 000 Fcfp (550FF) et comme le spécifie très clairement les rapports de police et le témoignage de la secrétaire qui réussit à les faire poireauter pendant plus de 20 minutes, prétextant la venue du directeur pour rembourser l'argent, ce qui permit à la police de les arrêter. Minable ! Minable ! A cause de cela la France à été la risée du monde et a été obligée de payer des centaines de millions de francs français, à la Nouvelle-Zélande comme à Greenpeace. D'ailleurs, rien que pour obtenir le transfert de Mafart et Prieur vers l'atoll de Hao, la France a payé 50 millions FF (un milliard de francs Pacifique), comme Mafart l'écrit lui-même.

Ni gratitude, ni sens du devoir

Et y a-t-il une moindre gratitude de cet "OSS" raté envers ceux qui l'ont sorti des geôles néo-zélandaises ? Non, bien au contraire, Môssieur s'indigne lorsqu'on lui demande de travailler à Hao (sa solde y est pourtant multipliée par 2,05) car il ne veut faire que de la voile et de la plongée. Ensuite, après avoir quitté avant l'heure Hao sous prétexte de « séquelles de problèmes de santé d'adolescent », il « reste pantois » que Michel Rocard, le Premier-ministre, ose même lui demander de retourner sur l'atoll afin de respecter l'accord signé, et refuse net. Là encore, la France devra payer des compensations à cause de cet homme qui n'accepte pas ses responsabilités : « L'Etat porte dans l'affaire du Rainbow Warrior des responsabilités écrasantes. Il est hors de question que je serve de victime expiatoire ». Aussi, plonger et bronzer dans nos atolls bleus des Tuamotu lui est une punition insupportable ! Quelle promotion pour nos îles de rêve !

Enfin, pour couronner le tout, Mafart nous explique tout fièrement comment il obtint contre l'avis du gouvernement sa promotion au grade de colonel grâce à une utilisation tatillonne des textes, alors que Rocard avait tenté de lui expliquer : « Comprenez qu'on peut difficilement opposer des dispositions administratives aux intérêts de l'Etat ». Et pour couronner notre indignation, le colonel nouvellement promu nous raconte fièrement comment en 1994, à 43 ans seulement, il prit sa retraite. Ce qui était certes un soulagement pour « le bras secret de la France » qui se débarrassa là d'un nul qui a amplement démontré la justesse de cette qualification, mais moins réjouissant pour le contribuable qui va devoir lui payer une rente à vie. Certainement une longue vie de repos et de plaisir car, soudainement et miraculeusement en très bonne santé, le Mafart se balade depuis en kayak « des glaces de l'Arctique au soleil de l'hémisphère Sud » car il est devenu, affirme-t-il, un « écologiste authentique ». Peut-être va-t-il bientôt rejoindre l'organisation "Greenpeace" ? Qui sait ?

Voilà un livre qu'on peut ne pas lire, l'auteur n'étant pas meilleur écrivain qu'agent secret.

Alex W. du PREL

"Carnets secrets d'un nageur de combat", par Alain Mafart. Albin Michel, Paris, 1999, 256 p., 98FF, 3170 Fcfp à Tahiti. ISBN 2-226-10839-9.

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