Crise sociale : des milliers de fare tournent au “café-pain beurre” !



Crédit photo : Suliane Favennec
La crise sanitaire liée au coronavirus a mis le Pays K.-O. debout pendant plus de deux mois. On a beaucoup parlé de la grave crise économique qui frappe le fenua, mais qu’en est-il de la crise sociale engendrée par cet arrêt forcé des différents secteurs d’activités ? Tahiti Pacifique est parti à la rencontre des familles et des travailleurs qui souffrent aujourd’hui en silence (lire notre reportage, pages 16 à 22). Ici, une mère de famille doit finir le mois avec 1 000 Fcfp ; là, une autre ne peut offrir trois repas par jour à ses enfants. Des milliers de foyers tournent au “café-pain beurre” ou “café-Sao”. En seulement un trimestre, la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DFSE) a attribué l’équivalent d’une année d’aides exceptionnelles. Autant dire que le budget a explosé et que les caisses sont presque vides ! Au moins un demi-milliard de Fcfp a été ainsi engagé pour venir en aide aux personnes en difficulté. Le PC crise social a reçu plus de 4 000 appels, provenant essentiellement de Tahiti. En outre, si le Pays a attribué des aides alimentaires, quelques associations, comme la Croix-Rouge, ont apporté également leur soutien : environ 2 000 colis ont été distribués sur Tahiti, au rythme effréné de 20 foyers par semaine.

Les zones urbaines restent les plus impactées, bien qu’à la Presqu’île, l’interdiction de se déplacer ait aggravé la situation. “Beaucoup de familles vivent de la pêche et de l’agriculture, mais, avec le confinement, ce n’était plus possible. Elles ont surtout demandé des aides alimentaires”, explique Alexandre Vanaa, présidente de l’association Utuafare Mataeina. Chacun essaie de s’en sortir en s’adaptant à la situation, “c’est de la survie au jour le jour”, nous lâche, par exemple, un entrepreneur dont le chiffre d’affaires a été réduit à néant… Du coup, face à cette crise inévitable, les profils des demandeurs d’aides sociales évoluent de manière inquiétante : ce ne sont plus seulement ceux qui sont sous le régime de solidarité qui déposent un dossier ; les patentés, au régime non
salarié, ont rejoint les rangs des personnes en détresse, ainsi que certains salariés, qui ont perdu leur emploi du jour au lendemain, notamment dans le secteur touristique. Et puis, bien sûr, il y a les centaines de SDF dont certains ont eu la “chance” d’être confinés à l’abri, dans un premier temps, avant d’être remis lâchement à la rue, “sans tambour ni trompette” comme l’a fait remarquer à juste titre Père Christophe.

D’ailleurs, le prêtre résident et vicaire coopérateur de la cathédrale de Papeete a publié en début de mois le bilan des actions menées par l’Accueil Te Vai-ete – Truck de la Miséricorde du 20 mars au 17 mai 2020. Ce dernier, qui a reçu 71 dons pécuniaires pour un montant d’environ 2,2 millions de Fcfp, regrette encore une fois “l’absence de lien avec les autorités du Pays”. Et Père Christophe de déplorer : “Si le gouvernement et la commune ont régulièrement visité les centres de confinement qu’ils avaient mis en place… jamais ils ne sont venus à la rencontre des sans-abris non confinés, laissant ainsi l’amer sentiment qu’il y a deux catégories de sans-abris. Notons une exception, Mme Isabelle Sachet, ministre de la Solidarité, à l’issue du confinement, a fait la démarche de nous contacter pour un partage de nos expériences.” Saluons chaleureusement la persévérance et la bienveillance de toutes ces petites mains qui œuvrent pour les quelque 300 sans-abri qui vivent dans le Grand Papeete ! Désormais, le Pays doit apporter tous les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour se relever et rebondir. En cette période de post-confinement, n’oublions pas qu’il faut toujours se serrer les coudes, et même plus que jamais.

Ensemble, faisons bouger les lignes !

Bonne lecture, te aroha ia rahi.

Dominique Schmitt

Vendredi 12 Juin 2020 - écrit par Dominique SCHMITT

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