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Pollution : la province Sud devra verser 83 millions de Fcfp à l’huîtrière de Dumbéa


Vendredi 14 Juin 2019 - écrit par Les Nouvelles Calédoniennes




Crédit photo : DR
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Le verdict est cette fois définitif et sans appel possible. Le Conseil d’État vient de rejeter le pourvoi de la province Sud dans le contentieux qui l’oppose à l’Huîtrière de Dumbéa. Les magistrats parisiens, saisis par un pourvoi de la collectivité ont confirmé dans son intégralité l’arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui, en mai 2018, avait jugé responsable la province de la mortalité des huîtres de l’Huîtrière de la Dumbéa, survenue fin 2009. De même, ils ont confirmé la sanction financière de 83 millions de Fcfp que l’institution doit verser à la SARL.
"Pour une fois, c’est le pot de terre qui gagne. Je suis assez content", a réagi Guillaume Lavergne, gérant de l’entreprise, à l’annonce du verdict. "C’est la fin d’un dossier pompeux et usant. Nous avons perdu dix ans à remettre la société sur les rails. Cela aurait pu être catastrophique, mais nous sortons finalement la tête de l’eau", poursuit l’ostréiculteur. C’est juste avant les fêtes de fin d’année 2009, alors que de nombreuses commandes étaient passées, qu’une grande partie du parc d’huîtres a été décimé.

80 % de mortalité

Quelques semaines auparavant, des travaux de terrassement avaient été engagés par la province, afin d’éliminer un banc de sable qui s’était formé au milieu de la Dumbéa. Ce banc perturbait l’écoulement des eaux, ce qui augmentait les risques d’inondation en cas de crue et menaçait, à terme, la stabilité d’un pont. Quelques jours plus tard, la SARL, qui exploite la ferme ostréicole à l’embouchure de la rivière, à Nakutakoin, n’avait pu que constater la mortalité tant des huîtres adultes que des naissains commercialisables en 2011 et 2012. "Cela nous a tué 80 % de notre cheptel total", rappelle Guillaume Lavergne, qui en a "longtemps voulu" à la province.
Les analyses ont ainsi révélé que "des particules fines majoritairement composées d’éléments métalliques composaient le banc de sable, et qu’une fois remises sen suspension au cours des travaux, elles avaient contribué au stress et à l’affaiblissement des huîtres, contraintes d’accroître leur activité de filtrage et leur production de mucus". De manière définitive, le Conseil d’État a confirmé, à son tour, ce lien de causalité.
"Les dirigeants qui se sont succédé ont toujours gardé la même stratégie de faire traîner les choses. C’est rageant parce que beaucoup d’autres ne vont pas jusqu’au bout. J’espère que les nouveaux vont changer d’approche", conclut l’entrepreneur qui espère désormais "être payé rapidement".


Source : Les Nouvelles Calédoniennes


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S’il est un sujet qui défraye la chronique en ce début de mois de juin, c’est bien la question explosive des refus d’indemnisations des victimes des essais nucléaires suite à l’amendement dit “Tetuanui”, tant décrié. Si la suppression du “risque négligeable” en 2017 avait été saluée par tous, la réintégration d’un “seuil minimum” ne passe pas… En effet, la modification de la loi Morin réalisée discrètement pendant les fêtes de fin d’année, le 28 décembre dernier, par un amendement inséré au projet de loi de finances 2019 reste en travers de beaucoup de gorges. Concrètement, cette recommandation de la commission “Égalité réelle outre-mer” (Erom), présidée par la sénatrice Lana Tetuanui, qui a été retenue par le gouvernement central puis validée par le Parlement, empêche désormais l’indemnisation des victimes ayant séjourné en Polynésie entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, dès lors que le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) a établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants reçue est inférieure à un milliSievert (mSv).
Les conséquences sont tombées comme un couperet le 4 juin, lorsque le tribunal administratif a rendu douze jugements concernant des demandes d’indemnisation rejetées. Face à un contexte très tendu, le président du tribunal s’est même fendu d’un communiqué pour expliquer les décisions prises : deux requérants ont obtenu l’annulation de leurs affaires et un droit à l’indemnisation (la veuve d’un ancien employé du CEP décédé d’un cancer du poumon et un ancien militaire atteint d’un cancer de la vessie), mais les dix autres requêtes ont été balayées par la juridiction en raison du “seuil désormais fixé par la loi”.
Eliane Tevahitua, représentante Tavini Huira’atira à l’assemblée de la Polynésie française, n’a pas tardé à charger Lana Tetuanui en qualifiant l’amendement porté par l’élue du Tapura de “scélérat” . Elle a fustigé aussi le gouvernement : “Le Civen se fonde exclusivement sur le tableau dosimétrique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial, ndlr) placé sous la tutelle du ministre de la Défense, qui, comme par hasard, ne trouve en Polynésie que des niveaux de radioactivité en deçà de 1 mSv après 1974. Monsieur le président, croyez-vous sincèrement qu’un pays comme le nôtre qui a reçu l’équivalent de 800 fois la bombe d’Hiroshima, puisse présenter des niveaux dosimétriques similaires à ceux d’un pays préservé de toute expérimentation nucléaire tel que la France ?”, posant ainsi une question orale au sein de l’hémicycle. S’en est suivi alors un crêpage de chignons, place Tarahoi, lorsque le porte-parole du président, Jean-Christophe Bouissou, a contre-attaqué sans répondre directement en demandant à la représentante souverainiste si elle ne se sentait pas elle-même “coupable de mensonge par omission en oubliant de dire aux Polynésiens que le député Moetai Brotherson (…) était lui aussi membre de la commission Erom”. Et de conclure : “Arrêtez vos niaiseries nuisibles. (…) Les victimes méritent mieux que vos propos nauséabonds.
Au-delà de ces énièmes enfantillages qui ne servent pas la cause, il y a une phrase qui restera dans les mémoires et qui est déjà tristement culte, celle de la même Lana Tetuanui qui affirme : “Quand on connaît les méfaits du tabac, et les risques de cancer que l’on peut développer, il n’appartenait pas à l’État de venir indemniser tous les fumeurs abusifs et ayant contracté le cancer en Polynésie ou à la suite de leur séjour en Polynésie.” Une comparaison pour le moins fumeuse, car la différence majeure, faut-il le préciser, c’est que l’on choisit de fumer, tout comme l’on choisit de consommer du sucre ou boire de l’alcool… mais pas d’être irradié ! La page du nucléaire au fenua est loin d’être tournée.

Bonne lecture, te aroha ia rahi.
Dominique Schmitt

Dominique Schmitt