Marquises : Encore une machine à sous pour EDT (Engie)
Comme l’explique le compte rendu du conseil des ministres qui s’est tenu le 18 octobre à Nuku Hiva (celui où les ministres étaient tous en costumes-cravates), "les Marquises sont les îles de Polynésie française qui présentent le plus de potentiel en matière d’énergies renouvelables. De nombreux projets hydroélectriques, éoliens ou encore par exploitation de biomasse y ont été élaborés et parfois réalisés. Différents projets sont en cours pour les îles de Tahuata, Nuku Hiva et Fatu Hiva et les îles d’Hiva Oa et de Ua Pou présentent également des potentiels intéressants".
Ainsi, poursuit le rapport, "la construction de la centrale hydroélectrique d’Aakapa, à Nuku Hiva, a débuté il y a quatre ans. L’investissement pour le projet a été financé par la DDC (Délégation pour le développement des communes) et par l’AFD (Agence française de développement), la maîtrise d’œuvre étant confiée à l’EDT et le chantier lui-même à une autre filiale du groupe Engie, INEO."
Le dimensionnement initial prévoyait une turbine de 20 kW et un productible de 95 000 kWh, (3,7 millions de Fcfp par an) qui serait suffisant pour couvrir entre 80% et 100% des besoins du village. Au cours du projet, de nombreux travaux imprévus ont fait monter les coûts au-dessus du chiffrage initial. Ces surcoûts ont été absorbés directement par la commune.
Ainsi, nous avons une petite centrale hydroélectrique lambda (l’eau fait tourner une turbine qui fait tourner une dynamo électrique) financée à 100% sur des fonds publics, même lorsque l’entrepreneur (une filiale d’EDT) dépasse allègrement le devis. Au bout du compte, après tous ces investissements publics, l’électricité devrait donc dorénavant être quasi gratuite pour le petit village d’Aakapa puisqu’il n’y a ni carburant à payer et que l’entretien est minimal, allons, disons une visite par mois pour s’assurer que les graisseurs de roulements fonctionnent bien. Des dizaines de telles petites unités privées ont fonctionné (nous en avons vu à Atimaono et à Raiatea) et fonctionnent certainement encore "en catimini", la technologie datant du 19e siècle.
Alors cette électricité (gratuite), à quel prix ?
Le communiqué officiel explique que "le principe de la mise en place d’un tarif spécifique à l’ouvrage hydroélectrique d’Aakapa a été validé lors du Conseil des ministres". Nous avons attendu avec impatience la publication au J.O. de ce "tarif spécifique". En vain, top secret !
Et pourquoi top secret ? Certainement parce que ce "tarif spécifique", il n’existe pas. Le conseil des ministres a décidé que le prix de l’électricité vendu aux habitants de Aakapa sera le même que celui vendu à Tahiti, Moorea, Bora Bora ou Hiva Oa, c’est-à-dire à une moyenne de 39 Fcfp le kWh, plus les taxes…
Et cela grâce (à cause) du "principe de péréquation" signé entre le Territoire et EDT qui impose à EDT un prix uniforme sur tout le territoire.
Bon, il est vrai que ce petit moteur ne produira que 95 000 kWh par an, ce qui, selon les estimations, devrait rapporter environ 3,7 millions de Fcfp par an à EDT, une goutte d’eau pour la multinationale. Mais multipliez ce chiffre par une centaine d’autres centrales à venir, le bénéfice sera conséquent, d’accord… mais le problème est surtout qu’en Polynésie française l’électricité, même l’électricité gratuite, restera la plus chère au monde car aux mains d’un monopole qui défend farouchement son bifteck.
Alex W. du Prel