Menu

Oscar Temaru : "Tout est dans Tahiti Pacifique, il faut le lire, toute la vérité est là !"

 Devant le palais de justice et alors qu’il a entamé une grève de la faim, le maire de Faa’a et président du Tavini invite la population à lire Tahiti Pacifique dont l’édition spéciale du 29 mai a été consacrée au sujet explosif du nucléaire. Crédit photo : Greg. Boissy
Invité du journal télévisé sur Polynésie la 1ère, le 7 juin, dans le cadre de l’affaire Radio Tefana, le maire de Faa’a et président du Tavini Huiraatira, a dénoncé une "décision tout à fait injustifiée, aberrante" à propos de la "saisie pénale" de 11,55 millions de Fcfp sur son compte, estimant qu’il était dans son droit de bénéficier de la protection fonctionnelle prévue dans ses missions. "C’est de l’acharnement, c’est du harcèlement. Comment expliquer autrement ?", a déclaré Oscar Temaru, estimant une nouvelle fois que cette enquête était "un règlement de compte" de l’État à la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU et à la plainte pour crime contre l’humanité à l’encontre de la France. "Ce genre d’action est mené contre des trafiquants d’ice qui risquent de s’enfuir. On pense peut-être que je vais m’enfuir en Colombie, au Venezuela ou ailleurs ?", a regretté le leader indépendantiste, qui a décidé, dès le lendemain, d’entamer une grève de la faim.
Interrogé ensuite sur la bataille de textes autour du seuil de 1 millisievert et la notion de "risque négligeable" menée par le gouvernement au sujet du nucléaire, Oscar Temaru a également fait l’apologie de votre magazine préféré : "J’aimerais tout simplement dire merci à Bruno Barrillot (spécialisé dans le suivi des armes et du nucléaire, il a été notamment cofondateur de l’Observatoire des armements en 1984 et a conseillé aux victimes civiles et militaires, en France, en Polynésie française et en Algérie, de se rassembler pour exprimer leurs revendications : l’Association des vétérans des essais nucléaires – l’Aven – et Moruroa e tatou ont ainsi été créées en 2001, ndlr), qui a fait un film sur Moruroa, avec des témoins métropolitains qui ont travaillé à Moruroa ; j’aimerais également dire merci à Ghislain Houzel, un ancien ingénieur du CEA (Commissariat à l’énergie atomique, ndlr). Tout est dans Tahiti Pacifique, il faut le lire, il dit la vérité ! Mais cela ne fait rien, vingt-cinq après l’arrêt des essais nucléaires, toute la vérité est là… Le reste, c’est du marchandage, du tripotage politique !" Depuis le 8 juin, le chef de file du Tavini demande au procureur de la République, Hervé Leroy, de le recevoir, en vain. Se considérant comme "une victime de la justice coloniale", M. Temaru a promis de revenir "tous les jours" devant le palais de justice.

Teua Temaru : "On se tient debout et on va résister"

Pour rappel, M. Fritch est également passé à la barre en 2016 pour "prise illégale d’intérêts" dans l’affaire Radio Maohi. Il n’avait pas alors écopé de peine d’inéligibilité mais avait été condamné à 2 millions de Fcfp d’amende pour avoir attribué 15 millions de Fcfp de subventions à la radio politique du Tahoeraa, lorsqu’il était maire de Pirae en 2007. La Justice en Polynésie est-elle à deux vitesses ? Ce qui est certain, c’est que l’État est assis sur une poudrière et joue avec le feu... Les militants rangés derrière leur metua n’attendent qu’un signe de sa part. D’ailleurs, révoltée, Teua Temaru, la fille d’Oscar, a prévenu : "S’il lui arrive quoi que ce soit, le procureur devra répondre de ses actes devant tout le nūna’a (« peuple », ndlr), pas devant le tribunal, pas devant la Justice. Il ne faudra pas qu’il s’étonne quand ce monsieur (Oscar Temaru, 75 ans, 1,70 m, 64 kilos, ndlr) va fermer les yeux, plus personne ne sera là pour maintenir la paix dans ce pays, et le sang va couler ! Et ce sera la faute du procureur, du procureur général et de tous les autres assis couchés debout qui ne font que le jeu de l’État. Alors, maintenant, on dit « ça suffit ! ». On se tient debout et on va résister." (D.S.)






Comment sera accueilli Emmanuel Macron au fenua ?

Après avoir reçu une gifle par un jeune habitant de la Drôme au cri d’un slogan royaliste “Montjoie ! Saint-Denis !” et “À bas la Macronie”, comment sera accueilli Emmanuel Macron au fenua ? Que lui réservent les Polynésiens lors de sa venue probable du 25 au 28 juillet : un collier de fleurs ou le balai nī’au ? Toutes les associations de défense des victimes des essais nucléaires (hormis l’association Tamarii Moruroa), ainsi que l’Église protestante mā’ohi ont refusé de participer à la Table ronde organisée les 1er et 2 juillet, à Paris. En outre, des manifestations d’envergure sont prévues à Tahiti, les 2 et 17 juillet, respectivement aux dates anniversaires des tirs atomiques en 1966 et 1974. Le récent passage de “Sébaston”, ministre des “colonies françaises” (euh… des Outre-mer), censé préparer le terrain pour le Président, n’aura pas vraiment réussi à calmer les esprits. Aussi, il se murmure dans les couloirs de Radio cocotier que “Manu 1er” aurait demandé à notre champion Henri Burns de l’initier à la boxe…

À l’heure où nous mettions sous presse, nous ne connaissions pas encore les conclusions de cette Table ronde de “haut niveau”. Nous espérons tous que les discussions ne tourneront pas en rond et que la délégation polynésienne emmenée par “Doudou” saura aller droit au but. Éprise de “vérité et justice”, Moruroa e tatou a regretté que la proposition de loi du député Moetai Brotherson “Prise en charge et réparation des conséquences des essais nucléaires français” ait été rejetée, lors de son examen à l’Assemblée par la majorité présidentielle. “Vous vous rendez compte, seuls 80 députés présents sur 577 que compte l’Assemblée nationale ont voté. C’est une insulte à ce pays. C’est une insulte à ce peuple qui a souffert, à ceux qui nous ont précédés et à ceux qui vont nous succéder”, a considéré Hirohiti Tefaarere, le président de l’association. Tout cela n’est pas de très bon augure, mais rien n’est encore fait, et le séjour du chef de l’État pourrait réserver son lot de surprises et d’annonces.

Macron sera le sixième président de la République française en visite en Polynésie (voir notre rétrospective pages 16 à 27). Lorsque François Hollande était venu en 2016, notre rédaction l’avait interpellé sur notre titre de couverture : “Elles sont où vos promesses, M. Hollande ?”. S’il avait fait part de sa “reconnaissance” et s’était engagé à des “réparations”, force est de constater que très peu de Polynésiens ont obtenu des indemnisations. Aujourd’hui, c’est un grand Pardon de Peretiteni qu’attend la population et, bien sûr, des actes concrets plutôt que des paroles en l’air. Si l’illustre poète polynésien Henri Hiro était encore parmi nous, il n’aurait pas manqué de l’interpeller avec ces mots : “Si tu étais venu chez nous, nous t’aurions accueilli à bras ouverts. Mais tu es venu ici chez toi, et on ne sait comment t’accueillir chez toi”… Alors, “Manu 1er” saura-t-il redescendre de son trône et écouter les Polynésiens pour mieux les comprendre, et enfin les entendre ? Nous l’espérons tous de tout cœur. En attendant, Tahiti Pacifique profite du mois de juillet pour faire sa trêve annuelle : rendez-vous donc en août !

Dominique SCHMITT