La Dépêche condamnée à payer 60 millions de Fcfp, les derniers salariés bientôt expulsés
Après six années de combat, la SCI Pont de la Fautaua a remporté une première victoire en justice face à la Société d’information et de communication (SIC) qui édite La Dépêche de Tahiti, en obtenant la résiliation du bail de location de l’ancien siège du quotidien, dont elle est propriétaire. Souvenez-vous, en mars 2020, nous épinglions le patron du journal, M. Auroy, en première de couverture (“Attrape-moi, si tu peux !”, TPM
n° 428, voir ci-contre). Réputé pour être “un mauvais payeur”, l’homme d’affaires ne respectait pas le plan de continuation exigé par le tribunal mixte de commerce et voyait son entreprise menacée de liquidation judiciaire. Parallèlement, la veuve de Philippe Mazellier, le fondateur du titre historique, attaquait le groupe de presse en justice au nom de la SCI Pont de la Fautaua, pour “défaut de paiement des loyers”. Dans un entretien exclusif, Victoria Mazellier nous confiait réclamer à la SIC le remboursement d’environ 70 millions de Fcfp pour défaut de créances et occupation illégale des locaux depuis 2015, sans compter les indemnités. La propriétaire associée s’insurgeait alors du non-respect du bail commercial par son locataire, et ce malgré une réduction du loyer mensuel (passé de 1,2 million de Fcfp à 900 000 Fcfp) : “Comment se peut-il qu’un homme de la sorte puisse agir en toute impunité ! Que fait la Justice ?”
Finalement, le 18 août dernier, le tribunal de première instance a condamné la SIC à régler environ 60 millions de Fcfp d’arriérés de loyers, la moitié de la somme étant intégrée au passif de la société dans le cadre de son redressement judiciaire, tandis que l’autre est exigible immédiatement avec “exécution provisoire de la décision”. Le tribunal a également ordonné l’expulsion de “tous les occupants” de l’immeuble. Si la rédaction du journal a déjà emménagé dans l’un des fiefs d’Auroy, dans la commune de Arue, une poignée de salariés résident encore au premier étage. Selon nos informations, leur évacuation devrait être officiellement signifiée le 13 septembre prochain, par voie d’huissier. Mais il se murmure que leur employeur peine à leur trouver des postes de travail décents, le reste du personnel (journalistes, commerciaux, animateurs radio) étant déjà serré comme des sardines…
Reste à la Fautaua un grand bazar, avec un deuxième étage désormais vide, mais dont “du matériel a été dégradé”, tandis que le mobilier qui devait être débarrassé a été “entreposé au sous-sol”. Quid aussi de l’énorme rotative qui se trouve au rez-de-chaussée ? La société Rotative Labeur ayant été liquidée, sera-t-elle démantelée ? On peut en douter, car une telle opération serait très onéreuse. “Si elle n’a pas été récupérée, l’huissier considérera que c’est un abandon de matériel”, tranche la SCI Pont de la Fautaua. Et d’expliquer : “L’huissier est important pour qu’il constate après le délai imparti de huit jours, de l’occupation des locaux et de l’abandon des équipements, de la rotative et autres choses... mais aussi de l’état de dégradation dans lequel M. Auroy a laissé travailler ces employés et abandonné l’immeuble…” Satisfaite de récupérer définitivement ses locaux, la SCI Pont de la Fautaua ne se fait néanmoins pas trop d’illusions quant au remboursement des dettes par la SIC, qui non seulement devrait faire appel de cette décision de justice mais, surtout, ne peut voir actuellement ses comptes saisis avec une limite de son déficit bancaire qui plafonnerait à moins de 500 000 Fcfp, d’après nos renseignements.
Dominique Schmitt