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SEXE ET ICE : #BALANCETONPUA’A



On connaissait les copains coquins, moins les copines coquines… S’il y a bien une affaire qui a secoué le landerneau médiatique ces dernières semaines, c’est bien celle réunissant devant les juges Thierry Barbion, le golden boy, Sabine Boiron, la "mère maquerelle", et Marc Ramel, le pervers sexuel. Fin août, nous vous annoncions le procès de la rentrée ; nous ne nous sommes malheureusement pas trompés tant cet épisode judiciaire fait encore couler aujourd’hui de la salive (et de l’encre). Les peines prononcées à l’encontre des dix protagonistes dans ce dossier de prostitution de mineures sur fond de trafic d’ice vont de 6 mois à 7 ans de prison. Personnage central, Mme Boiron, ancienne institutrice, a été condamnée à la plus lourde peine. L’homme d’affaires M. Barbion a écopé, lui, de 4 ans de prison ferme. Quant à M. Ramel, l’ex-gérant de la discothèque Ute Ute, il a été condamné à 4 ans de prison pour atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans et cession de stupéfiants. Les faits reprochés aux prévenus sont abjects, personne ne pourra cautionner de telles ignominies. Mais ce qui a bouleversé l’opinion publique et ajouté une dimension tragique à ces pratiques libertines sur des jeunes filles préalablement droguées, c’est la décision de la cour d’appel de Papeete, le 23 septembre dernier, de remettre en liberté les deux prédateurs, dont le procès en appel aura lieu les 28 et 29 janvier 2020.

La Justice a considéré en effet que la "mère maquerelle" resterait en prison car elle a "usé et abusé de son influence pour corrompre des mineurs" et qu’elle n’a "pas conscience de la gravité intrinsèque des faits", alors que le golden boy et le pervers sexuel peuvent sortir sous contrôle judiciaire, du fait qu’ils ont leurs "intérêts financiers en Polynésie". Ils seront ainsi restés seulement une vingtaine de jours en prison et ont désormais comme unique contrainte de se rendre au commissariat une fois par semaine, après avoir remis leur passeport. Le Conseil des femmes de Polynésie française a évidemment réagi "avec stupéfaction et colère" et évoqué une décision qui "confirme l’idée d’une justice à deux vitesses, d’une justice qui protège les puissants". Un avis partagé par de nombreux internautes, dont l’un s’est exprimé sur notre page en reprenant une citation de La Fontaine (1678) : "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir". Le Conseil s’est dit également "scandalisé" par les arguments de la cour justifiant la remise en liberté de MM. Barbion et Ramel : "Toutes les personnes incarcérées à Nuutania ont toutes, pour la plupart, leurs affaires ici ! Il faudrait donc les remettre en liberté et retirer leur passeport, et les obliger à pointer hebdomadairement au commissariat !" Une pilule bien amère à avaler.

La salve de grèves dans l’hôtellerie a en outre occulté une plainte grave pour "viol en réunion" d’une employée de l’InterContinental à Moorea, qui a entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire. Alors que O Oe To Oe Rima demandait, depuis presque un mois, la réintégration des quatre employés mis à pied à titre conservatoire, le syndicat a finalement abandonné ce point qui était honteusement placé en tête de ses revendications. Le quatuor a finalement été mis en garde à vue, puis relâché, mais la procédure pénale est toujours en cours et la vérité ne va donc pas tarder à éclater. De son côté, Guillaume Épinette, le directeur régional de l’établissement, nous explique avoir licencié les quatre compères dans le cadre d’une procédure disciplinaire "à l’issue d’une enquête interne qui a conclu à des faits de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, sur le lieu de travail". Ouvert au "dialogue social", il a agi au nom du "respect des valeurs humaines", car la victime, âgée de 27 ans, est en "totale détresse". Et que dire de ce vieillard de 74 ans, coupable d’agressions sexuelles sur sa petite-nièce de 6 ans durant sept années, car la petite l’avait "aguiché" (sic) ?

Des réseaux de pédophilie sont régulièrement découverts par les autorités, et l’on ne compte plus le nombre d’affaires de proxénétisme où des nantis assouvissent leurs fantasmes les plus glauques sur des mineur(e)s, et ce parfois en échange d’un simple casse-croûte. Il est étonnant d’ailleurs que toutes ces affaires hautement sordides soient jugées par le tribunal correctionnel et non la cour d’assises… À l’instar du mouvement #BalanceTonPorc, né en octobre 2017 pour dénoncer toutes formes d’agression sexuelle et de harcèlement, suite aux accusations portées envers le producteur américain Harvey Weinstein, peut-être que nos vahine vont s’insurger à leur tour et créer #BalanceTonPua’a ? J’invite d’ailleurs ceux et celles qui ne l’auraient pas encore entendu à écouter l’excellent sketch d’Anne Roumanoff, "Les poulettes et le cochon", dans lequel elle explique aux mâles dominants la nuance, chez les femmes, entre un "oui" et un "non". Et de conclure : "Nous, les amatrices de charcuterie, nous vous le disons, dénoncer les porcs n’empêche pas d’adorer le saucisson." Gageons que le séminaire sur l’éducation à la sexualité organisé par la Direction de la santé, qui vient de se clôturer, aura donné des clés aux professionnels locaux pour apporter aux enfants, adolescents et adultes des connaissances, des compétences et des valeurs afin qu’ils accèdent à une sexualité libre, respectueuse, responsable et saine à la fois sur le plan physique, psychologique et social.

Ensemble, faisons bouger les lignes !

Bonne lecture, te aroha ia rahi.

Dominique Schmitt

Jeudi 3 Octobre 2019 - écrit par Dominique Schmitt


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Vendredi 18 Décembre 2020 - 09:02 Papa Noera, protège notre tapa !


Dominique Schmitt

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La mémoire des essais nucléaires au risque d’Alzheimer…

Après la publication de notre dossier consacré à une arnaque au tapa “made in Thailand” envahissant le marché polynésien (lire TPM n° 445 du 18 décembre 2020), qui a suscité l’indignation dans le monde de la culture, le soutien du Pays affiché aux artisans quelques jours plus tard devant les médias étonne pour ne pas dire détone… En effet, le gouvernement a laissé filer un trafic de “faux tapa” qui inonde depuis une vingtaine d’années les curios, les musées et même aujourd’hui certains hôtels de luxe, mais il n’hésite pas à s’afficher fièrement en grand défenseur des artisans pour une opération lancée dans les magasins Carrefour et Champion pour les fêtes de fin d’année. Cherchez l’erreur…

Autre actualité qui nous fait dresser les poils, au rayon des archives militaires cette fois : l’historien Jean-Marc Regnault nous alerte sur la récente complexification de l’accès des documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale. Alors que la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, inscrite dans le code du patrimoine, prévoyait un délai de cinquante ans pour autoriser leur consultation, une révision des dispositions en 2011 a précisé que tout document portant un marquage “Secret Défense”, dit “classifié au titre du secret de la défense nationale”, devait être déclassifié par l’autorité compétente avant communication… Eh bien figurez-vous que la situation s’est aggravée depuis 2020 en raison d’une interprétation de plus en plus restrictive de cette instruction interministérielle, qui a entraîné le blocage de nombreux fonds aux Archives nationales, aux Archives du Centre d’histoire de Sciences Po à Paris, comme aux archives de la Défense. En clair, cela signifie que des documents qui étaient librement communicables et communiqués, des documents qui avaient été publiés dans de nombreux livres d’Histoire, sont désormais… inaccessibles ! C’est l’objet de notre dossier de Une pour ce premier numéro de l’année (lire pages 14 à 16). Pourquoi l’État poursuit-il sa politique de l’autruche et fait tout pour cacher la vérité historique ? Y aurait-il tant de secrets inavoués et inavouables ? La reconnaissance du fait nucléaire serait-elle un perpétuel combat ? D’ailleurs, y aura-t-il jamais un Centre de mémoire des essais en Polynésie ? La question est posée.

Enfin, parce que nous aimons aussi vous faire vous évader, retrouvez notre portrait haut en couleur de Titouan Lamazou (lire pages 18 à 25). Artiste talentueux et navigateur insatiable, celui qui a été piqué au tiare il y a plus de quarante ans déjà a décidé de poser l’encre et les pinceaux au fenua. Découvrez un homme d’exception, qui confie avoir une “empathie sociale congénitale”, mais également un peintre de génie, qui a eu à cœur de créer une gamme de produits dérivés de ses œuvres privilégiant une coopération locale avec l’ambition d’une production 100% “made in Tahiti. Un bel exemple d’énergie positive, dont nous devrions nous inspirer. Toute la rédaction de Tahiti Pacifique vous souhaite, chers lecteurs, une excellente année et vous adresse ses meilleurs vœux pour 2021.

Ensemble, faisons bouger les lignes !

Bonne lecture, te aroha ia rahi.

Dominique SCHMITT